CA PARIS, 21 juin 2024, RG n° 22/03468 *
Par cet arrêt, la Cour d’appel de PARIS est amenée à apprécier la régularité d’une reconnaissance d’un accident du travail en présence de réserves motivées de l’employeur.
En premier lieu, on rappellera qu’aujourd’hui (Article R. 441-7 du CSS) comme hier (Ancien article R. 441-11 du CSS), en cas de réserves motivées de l’employeur, la CPAM est dans l’obligation de diligenter une enquête avant toute décision de prise en charge relative à un accident déclaré par un salarié.
Généralement, cette enquête prend la forme d’un envoi d’un questionnaire à chacune des parties pour les interroger sur les circonstances de l’accident déclaré.
Le code de la sécurité sociale ne donne aucune définition de ce qu’il faut entendre par réserves motivées.
De longue date maintenant, la Cour de cassation précise que les réserves motivées s’entendent « de la contestation du caractère professionnel de l’accident par l’employeur ne peuvent porter que sur les circonstances de temps et de lieu de celui-ci ou sur l’existence d’une cause totalement étrangère au travail » (Cass. civ. 2ème, 10 juillet 2008, n° 07-18.110).
Surtout, au stade de la recevabilité des réserves, l’employeur n’est pas tenu d’apporter la preuve de leur bien-fondé dès lors qu’elles ont été formulées en temps utile (Cass. civ. 2ème, 25 avril 2024, n° 22-12.239).
Autrement dit, il faut qu’elles indiquent les éléments qui rendent douteuse la réalité de l’accident.
En pratique, les réserves sont annexées à la déclaration d’accident du travail via un courrier explicatif et peuvent d’ailleurs maintenant être transmise à la CPAM de manière dématérialisée sur le compte net-entreprise.
Pour autant, dans le cadre du CERFA, un petit encadré est réservé à l’ajout de réserves. Compte tenu de sa taille, son contenu est nécessairement limité à quelques mots.
Se pose donc la question de savoir si de simples réserves émises dans cet encadré sont suffisantes pour qu’elles soient considérées comme motivées.
Telle était la problématique qui était soulevée dans l’arrêt commenté.
Au cas d’espèce, une salariée était engagée en qualité d’infirmière. Le 9 décembre 2018, elle a informé son employeur avoir été victime d’un accident survenu sur son lieu de travail que celui-ci a déclaré auprès de la CPAM.
Dans le cadre de sa déclaration et dans la partie réservée aux éventuelles réserves motivées, l’employeur mentionnait « salariée présentant déjà des douleurs ». Sans instruction, la CPAM a pris en charge cet accident.
Ultérieurement, l’employeur a saisi les juridictions de sécurité sociale afin de contester cette décision.
Après avoir rappelé la définition des réserves motivées, la Cour d’appel de PARIS relève qu’à la lecture de la déclaration d’accident du travail, l’employeur, dans la partie dédiée aux réserves, a mentionné que « la salariée présentait déjà des douleurs ».
Selon la Cour, ces réserves portent explicitement sur la contestation de l’origine professionnelle de la lésion en ce qu’elles induisent nécessairement un doute sur le fait qu’elle soit survenue aux temps et lieu du travail, voire même qu’elles aient été provoquées par le travail.
En indiquant que les douleurs attribuées à un événement survenu le 9 décembre 2018 existaient avant cette date, il devait en être naturellement déduit que la salariée souffrait possiblement d’un état antérieur.
Ces explications apparaissent ainsi suffisamment motivées, étant rappelé qu’à ce stade, il n’est pas demandé à la Société qui émet des réserves d’apporter la preuve de la réalité de l’état antérieur invoqué, pas plus qu’il n’était utile, comme la Caisse lui fait grief, de joindre à la déclaration d’accident du travail un courrier explicatif.
Il en résulte que la Caisse ne pouvait prendre sa décision sans procéder à une instruction préalable, ce qu’elle s’est abstenue de faire.
La Cour d’appel déclare donc inopposable à l’employeur la décision de prise en charge.
Cet arrêt vient rappeler les obligations procédurales pesant sur la CPAM en cas de réserves motivées et la sanction prévue en cas de méconnaissance de celles-ci.
Surtout, elle met en lumière l’absence de nécessiter de joindre expressément un courrier de réserves motivées à la déclaration remplie par l’employeur.
Une simple phrase peut constituer des réserves motivées et induire l’organisme de sécurité sociale à la faute.
Le Cabinet reste à disposition des entreprises et salariés en vue de traiter toute problématique avec les accidents du travail.
Maître Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON
Droit du travail – Droit de la sécurité sociale
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N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.
Maître Florent Labrugère
Avocat en droit du Travail et de la Sécurité Sociale à Lyon. Anticipez le prochain mouvement !