CA ROUEN, 29 août 2024, RG n° 23/00922 *
Par cet arrêt, la Cour d’appel de ROUEN est amenée à apprécier le bien-fondé d’un licenciement économique des suites de la crise sanitaire liée à la Covid-19.
Evènement majeur et mondial ces dernières années, l’épidémie de Covid-19 a eu un impact sur la vie économique des entreprises.
Appréhendé sous l’aspect du droit du travail, et afin de faire face aux difficultés économiques rencontrées des suites de cette crise sanitaire, le licenciement économique a été une mesure envisagée par beaucoup d’employeurs.
A première vue, dans une telle période, ce type de licenciement apparait comme nécessairement fondé.
Pour autant, d’un point de vue juridique, celui-ci reste strictement encadré.
Ainsi, selon l’article L. 1233-3 du code du travail, les difficultés économiques doivent être caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Ainsi, une baisse significative du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus.
A cet effet, les juges doivent vérifier le caractère sérieux et durable des difficultés économiques ainsi que si l’évolution de l’indicateur économique retenu était significative (Cass. soc., 18 octobre 2023, n° 22-18.852).
Telle était la problématique qui était soulevée dans l’arrêt commenté.
Au cas d’espèce, il était question d’une salariée qui a été embauchée, le 01er mai 2019, en qualité d’assistante administrative et commerciale. Elle a été licenciée pour motif économique par courrier daté du 31 mai 2021 en raison des difficultés rencontrées par l’entreprise suite à la crise sanitaire liée à la Covid-19.
La salariée a contesté son licenciement devant les juridictions prud’homales.
Au cas présent, la Cour d’appel de ROUEN relève que l’employeur compte entre 11 salariés et 50 salariés, de sorte qu’il doit justifier d’une baisse du chiffre d’affaires sur une période de deux trimestres consécutifs.
Or, l’employeur démontre avoir subi une baisse consécutive de chiffre d’affaires sur les quatre trimestres de l’année 2020 et le premier trimestre de l’année 2021, soit sur la période contemporaine à la notification du licenciement par rapport à celui de l’année précédente à la même période.
Cependant, la Cour d’appel rappelle que cette baisse constante s’inscrit dans un contexte très particulier lié à la pandémie de Covid-19 au cours duquel le gouvernement a pris des mesures exceptionnelles pour venir en aide aux entreprises et leur permettre ainsi de faire face à une baisse du chiffre d’affaires inhérente à la situation.
Dès lors, pour elle, sauf à ne faire reposer les effets de cette crise que sur les seuls salariés quand les entreprises ont bénéficié d’aides exceptionnelles pour les soutenir, mais aussi pour soutenir l’emploi, elle reproche à l’employeur de ne pas préciser le chiffre d’affaires réalisé d’avril à mai 2021, soit sur la période même du licenciement.
Or, elle constate que l’employeur a réembauché dès le mois de juin 2021 des conducteurs d’autocar et même un agent commercial le 01er octobre 2021.
Elle estime donc que les difficultés économiques ne sont pas démontrées, de sorte qu’elle juge le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Cet arrêt est un exemple jurisprudentiel de l’appréciation à tenir quant à la réalité des difficultés économiques invoquées par un employeur des suites de la crise sanitaire.
En dépit de réelles difficultés constatées pendant cette période, celles-ci doivent être constantes dans le temps.
Aussi, comme le démontre l’arrêt d’espèce, si au moment du licenciement, la situation économique de l’entreprise est stable, permettant par exemple de recruter, le bien-fondé du licenciement pourrait être discuté.
Cette interprétation semble, toutefois, contra-legem dans la mesure où la lecture de l’article L. 1233-3 précité indique que la démonstration d’une baisse significative du chiffre d’affaires est rapportée dès lors qu’il est constaté une telle baisse sur la période exigée selon les effectifs de l’entreprise.
A voir si un pourvoi en cassation sera formé à l’encontre de cette décision.
Le Cabinet reste à disposition des entreprises et salariés en vue de traiter toute problématique en droit du travail.
Maître Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON
Droit du travail – Droit de la sécurité sociale
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N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.
Maître Florent Labrugère
Avocat en droit du Travail et de la Sécurité Sociale à Lyon. Anticipez le prochain mouvement !