La remise d’une convocation à entretien préalable à l’origine d’un accident du travail

CA GRENOBLE, 04 octobre 2024, RG n° 23/00249 *

Par cet arrêt, la Cour d’appel de GRENOBLE est amenée à trancher la question de savoir si un accident du travail peut survenir suite à la remise d’un courrier de convocation à un entretien préalable à une sanction disciplinaire.

En la matière, on rappellera, en premier lieu, la définition donnée à un tel accident par l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale.

Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs.

Il est désormais acquis en jurisprudence que tout accident survenu au temps et au lieu du travail est présumé d’origine professionnelle.

Il appartient alors à l’employeur ou à la CPAM de rapporter la preuve d’une cause totalement étrangère pour renverser cette présomption.

De même, la jurisprudence est constante en la matière : un accident du travail peut être reconnu en cas de lésion d’ordre psychologique, notamment des suites d’un entretien avec son employeur (Cass. civ. 2ème, 01er juillet 2003, n° 02-30.576 ; Cass. civ 2ème, 2 avril 2015, n° 14-11.512).

Telle était la problématique qui était soulevée dans l’arrêt commenté.

Au cas d’espèce, il était question d’une salariée qui a été embauchée, le 01er septembre 1991 et occupait, au dernier état de la relation contractuelle, un poste de coordinatrice d’agence.

Elle a avisé son employeur, le 02 mars 2020, d’un accident survenu le vendredi 28 février 2020 déclarant avoir eu ce jour, sur son lieu de travail, un appel téléphonique de son époux puis un MMS l’informant qu’elle avait reçu à son domicile une lettre de convocation à un entretien préalable.

Après enquête, la CPAM a refusé de prendre en charge ledit accident, décision que l’assurée a contesté.

Après avoir rappelé la définition d’un accident du travail, la Cour d’appel de GRENOBLE examine, dans un premier temps, les éléments de preuve produits par la salariée pour démontrer la survenance d’un fait précis survenu soudainement par le fait ou à l’occasion du travail et qui est à l’origine de la lésion.

Au cas présent, elle relève que les deux témoignages précis et circonstanciés permettent de corroborer l’état psychologique dans lequel s’est brutalement retrouvée la salariée, le 28 février 2020 en fin de matinée après la révélation du courrier de son employeur adressé à son domicile, pendant ses horaires de travail et sur son lieu de travail, relatif à une convocation à un entretien préalable.

Elle note que l’information de la réception de cette lettre recommandée a été un choc psychologique considérable pour la salariée ayant une ancienneté de plus de 30 ans et n’ayant eu jusqu’alors aucun reproche. La Cour constate également que la salariée justifie avoir consulté son médecin traitant dans un temps proche des faits.

Au vu de ces éléments objectifs et suffisamment probants, la salariée établit donc, autrement que par ses seules affirmations, l’existence d’un événement soudain survenu le 28 février 2020 alors qu’elle était sur son temps et son lieu de travail et dont il est résulté une lésion psychologique constatée médicalement le jour même.

Pour la Cour, le fait que la convocation à l’entretien préalable relève des prérogatives de l’employeur comme le dit la CPAM ne remet pas en cause, pour autant, que la lecture de cette lettre est à l’origine de l’effondrement de la salariée sur son lieu de travail, en présence de ses collègues et qui constitue dès lors le fait générateur du choc psychologique en relation avec son travail.

L’absence de sanction prononcée s’avère enfin sans incidence sur le caractère professionnel des faits litigieux et, de son côté, la CPAM ne démontre en aucun cas l’existence d’une cause étrangère au travail à l’origine de la lésion.

L’accident litigieux doit être ainsi pris en charge au titre de la législation professionnelle.

Cet arrêt vient mettre en lumière les conséquences que peut avoir l’usage par un employeur de son pouvoir disciplinaire, notamment par la survenance d’un accident du travail.

Là encore, tout est affaire de circonstance.

Aussi, il peut être compréhensible qu’une salariée disposant de plus de 30 ans d’ancienneté et d’un passif disciplinaire néant soit particulièrement choqué de recevoir du jour au lendemain une convocation à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, ce qui a un impact sur son état de santé.

En revanche, la décision pourrait être tout autre en présence d’une salariée disposant d’une faible ancienneté et ayant fait l’objet d’une sanction justifiée à la suite de l’entretien, l’employeur, dans ce cas, ne faisant qu’un usage normal de son pouvoir disciplinaire.

Le Cabinet reste à disposition des entreprises et salariés en vue de traiter toute problématique en droit de la sécurité sociale.

Maître Florent LABRUGERE

Avocat au Barreau de LYON

Droit du travail – Droit de la sécurité sociale

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N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.

florent labrugere avocat droit du travail lyon

Maître Florent Labrugère

Avocat en droit du Travail et de la Sécurité Sociale à Lyon. Anticipez le prochain mouvement !