CA CHAMBERY, 10 octobre 2024, RG n° 23/00018 *
Par cet arrêt, la Cour d’appel de CHAMBERY est amenée à apprécier l’existence d’un travail dissimulé durant une période d’activité partielle.
Dans différentes hypothèses limitativement énumérées par la loi entraînant une baisse d’activité, l’employeur peut recourir au mécanisme de l’activité partielle.
Si ce recours est autorisé par l’administration, l’employeur pourra alors obtenir le remboursement partiel des salaires perçus par ses employés.
L’incidence directe de ce système est que le contrat de travail des salariés placés en activité partielle est suspendu pendant les périodes où ils ne sont pas en activité.
Selon l’article L. 5122-1 du code du travail, la cessation d’activité peut être totale ou seulement partielle consécutive à la réduction de l’horaire de travail pratiqué.
En cas d’abus, celui-ci est susceptible de caractériser un travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié en application de l’article L. 8221-5 du même code.
Telle était la problématique qui était soulevée dans l’arrêt commenté.
Au cas d’espèce, il était question d’une salariée qui a été engagée, le 22 août 2005, et occupait, au dernier état de la relation contractuelle, un poste de Responsable Ressources Humaines Business Partner.
Par courrier du 30 octobre 2020, elle s’est vue notifier son licenciement pour motif économique. Ultérieurement, elle a saisi les juridictions prud’homales afin notamment de voir reconnaitre l’existence d’un travail dissimulé.
Sur ce point, elle soutient que son employeur l’a fait travailler pendant des périodes de suspension de son contrat travail liées à l’activité partielle.
Au cas présent, la Cour d’appel de CHAMBERY énonce que pendant les périodes d’activité partielle, le salarié ne doit, ni être sur son lieu de travail, ni se tenir à la disposition de l’employeur ou se conformer à ses directives, et l’employeur a l’interdiction de lui demander de travailler, y compris en télétravail.
Dans la situation d’une période de chômage partiel avec une seule réduction du nombre d’heures travaillées et une activité essentiellement réalisée en télétravail, il appartient à l’employeur de communiquer de manière précise au salarié ses horaires de travail ou ses journées ou demi-journées travaillées s’il est soumis à une convention de forfait en jours.
Ici, la salariée a été placée en activité partielle sur la période du 23 mars au 28 mai 2020. Or, la Cour relève la carence probatoire de l’employeur sur ce point. Au surplus, la salariée justifie par la production de nombreux mails et de copies de son agenda outlook qu’elle a effectivement travaillé pendant cette période.
La Cour relève ainsi que la salarié a organisé des points réguliers, des rendez-vous téléphoniques, des réunions de crise et qu’elle a mis en place, compte tenu de ses fonctions, l’organisation du chômage partiel pour son employeur.
Enfin, le CSE a alerté l’employeur lors d’une réunion du 27 mai 2020 sur la situation de salariés déclarés à 20% mais qui ont travaillé 100%.
Ainsi, pour la Cour, le travail dissimulé est avéré, de sorte qu’elle condamne l’employeur à verser au salarié une indemnité forfaitaire équivalente à six mois de salaire.
La décision commentée constitue un exemple du contentieux existant ces dernières années sur le travail dissimulé et les potentiels abus à l’activité partielle dont beaucoup d’entreprises ont dû recourir en 2020.
A contrario, dans une décision récente, la Cour d’appel de NIMES a pu écarter l’existence d’un travail dissimulé en la matière (CA NIMES, 12 novembre 2024, RG n° 22/03957).
Elle a notamment relevé que dans le cas d’espèce, aucune directive donnée à la salariée pour l’exécution d’une prestation de travail pendant la période de confinement et de chômage partiel n’a pas pu être constatée, mais seulement des échanges d’informations à caractère personnel et sur la situation de l’entreprise.
Une telle reconnaissance dépendra surtout des éléments de preuve que pourra présenter le salarié à l’appui de sa demande ou des éléments produits en défense par l’employeur.
Sur ce point, la décision de CHAMBERY est assez intéressante puisqu’elle laisse reposer la charge de la preuve sur l’employeur.
Le Cabinet reste à disposition des entreprises et salariés en vue de traiter toute problématique en droit du travail.
Maître Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON
Droit du travail – Droit de la sécurité sociale
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N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.
Maître Florent Labrugère
Avocat en droit du Travail et de la Sécurité Sociale à Lyon. Anticipez le prochain mouvement !