CA NIMES, 25 novembre 2024, RG n° 22/02910 *
Par cet arrêt, la Cour d’appel de NIMES est amenée à apprécier l’origine professionnelle ou non d’une inaptitude présentée par un salarié.
En premier lieu, on rappellera qu’un licenciement pour inaptitude professionnelle implique en faveur du salarié le versement d’une indemnité spéciale de licenciement ainsi qu’une indemnité compensatrice de préavis.
La question est donc de qualifier l’origine professionnelle d’une inaptitude.
En la matière, la jurisprudence est maintenant constante : les conditions suivantes doivent être réunies (Cass. soc., 07 mai 2024, n° 22-10.905) :
- Être en présence d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle,
- L’existence d’un lien de causalité, même partiel, entre ledit accident ou ladite maladie et l’inaptitude,
- L’employeur a connaissance de cette origine au moment du licenciement.
Telle était la problématique qui était soulevée dans l’arrêt commenté.
Au cas d’espèce, il était question d’un salarié occupant un poste de vendeur technique. Le 01er mars 2017, il a été victime d’un accident du travail.
Au titre de cet accident, il a été déclaré consolidé le 07 juin 2018. Parallèlement, il a été placé en arrêt maladie simple jusqu’au 29 juin 2019. Il a finalement été déclaré inapte et licencié pour ce motif.
Ultérieurement, le salarié a saisi les juridictions prud’homales pour contester son licenciement et notamment invoquer l’origine professionnelle de son inaptitude.
Après avoir rappelé les éléments précités, la Cour d’appel de NÎMES détaille le régime juridique de l’inaptitude professionnelle.
Elle indique ainsi qu’il existe une autonomie entre le droit du travail et le droit de la sécurité sociale, de sorte que l’application de ces dispositions protectrices n’est pas liée à la reconnaissance du caractère professionnel d’un accident ou d’une maladie par un organisme de sécurité sociale.
De la même manière, la circonstance qu’un salarié ait été au moment du licenciement déclaré consolidé de son accident du travail par la CPAM et pris en charge par les organismes sociaux au titre de la maladie n’est pas de nature à faire perdre au salarié le bénéfice de la législation protectrice des accidentés du travail.
Pour la Cour, une décision de prise en charge ne constitue qu’un élément de preuve parmi d’autres laissés à l’appréciation du juge prud’homal auquel il appartient de rechercher lui-même l’existence d’un lien de causalité entre l’inaptitude et l’accident du travail ou la maladie professionnelle. De même, une décision de refus de prise en charge ne suffit pas davantage à écarter ce lien de causalité.
Au cas présent, la question du lien de causalité pose difficulté.
La Cour d’appel note que le salarié a été victime d’un accident du travail, le 01er mars 2017, lui ayant occasionné des lésions notamment au bras droit, lésions pour lesquelles il a été consolidé le 12 juin 2018.
Dans le même temps, sans lien avec cet accident, elle constate que le salarié s’est vu poser une prothèse du genou, le 23 mars 2017, et son arrêt de travail pour maladie de droit commun, à ce titre, a été prolongé jusqu’au 29 juin 2019.
Or, la Cour d’appel relève qu’il n’est produit aucun élément relatif aux séquelles résultant de l’accident du travail comme par exemple une décision de la CPAM fixant un taux d’incapacité permanente partielle.
Les éléments médicaux produits par le salarié n’établissent aucun lien de causalité, même partiel, entre l’accident du travail et l’inaptitude. A cet égard, elle énonce que l’avis du médecin du travail ne retient pas l’origine professionnelle de l’inaptitude et n’a d’ailleurs pas appliqué la procédure y correspondant.
Compte tenu de la carence probatoire du salarié, elle écarte l’origine professionnelle de l’inaptitude.
La décision commentée vient rappeler, d’une manière pédagogique, les conditions à remplir en vue d’invoquer une inaptitude d’origine professionnelle.
Ce type de dossier amène à faire intervenir deux branches du droit privé : d’un côté, le droit du travail et, de l’autre, le droit de la sécurité sociale.
Comme le rappelle la Cour, en la matière, un principe d’autonomie s’applique, les juges prud’homaux n’étant pas liés par les décisions de la CPAM.
Récemment, la Cour de cassation a semblé atténuer ce principe. En effet, « lorsqu’un accident du travail ou une maladie professionnelle a été reconnu par la CPAM par une décision non remise en cause, cette décision s’impose au juge prud’homal auquel il revient alors de se prononcer sur le lien de causalité entre cet accident ou cette maladie et l’inaptitude et sur la connaissance par l’employeur de l’origine professionnelle de l’accident ou de la maladie » (Cass. soc., 18 septembre 2024, n° 22-22.782).
Le Cabinet reste à disposition des entreprises et salariés en vue de traiter toute problématique en droit du travail et droit de la sécurité sociale.
Maître Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON
Droit du travail – Droit de la sécurité sociale
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N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.
Maître Florent Labrugère
Avocat en droit du Travail et de la Sécurité Sociale à Lyon. Anticipez le prochain mouvement !