CA BORDEAUX, 12 octobre 2023, RG n° 21/02637 *
Par cet arrêt, la Cour d’appel de BORDEAUX revient sur le principe du contradictoire qui irrigue toute instruction diligentée par la CPAM dans le cadre de la reconnaissance d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.
En la matière, au cours d’une telle instruction, l’organisme de sécurité sociale se doit de respecter le principe du contradictoire. Autrement dit, chaque partie susceptible d’être intéressée par cette enquête doit avoir avoir eu la possibilité de faire valoir ses arguments. .
Aussi, la CPAM a pour obligation légale de transmettre, autant à l’employeur qu’au salarié, un questionnaire conformément aux articles R. 441-8 du code de la sécurité sociale pour les accidents du travail et R. 461-9 du même code pour les maladies professionnelles (anciennement R. 441-11).
A défaut, le principe susvisé est méconnu, la CPAM ne pouvant se retrancher sur le fait que l’employeur a pu faire valoir son point de vue lors de la déclaration d’accident du travail ou de maladie professionnelle (Cass. civ. 2ème, 24 mai 2017, n° 16-18.105).
Au surplus, la CPAM se doit d’adresser un questionnaire aux deux parties. L’employeur est donc légitime à invoquer une violation du principe du contradictoire en l’absence d’envoi d’un questionnaire au salarié (Cass. civ. 2ème, 17 février 2022, n° 20-19.674).
Telle était la problématique qui était soulevée dans l’arrêt commenté.
Au cas d’espèce, il était question d’une salariée qui a déposé, le 28 janvier 2019, auprès de la CPAM une demande de reconnaissance d’une maladie professionnelle faisant état d’un canal carpien. Après instruction, la CPAM a décidé de prendre en charge cette pathologie.
L’employeur a saisi les juridictions de sécurité sociale afin de solliciter l’inopposabilité de ladite décision.
Après avoir rappelé les textes en vigueur lors de la déclaration de maladie professionnelle, la Cour d’appel de BORDEAUX relève que la CPAM a pris la décision de diligenter une enquête aux fins de déterminer si le syndrome du canal carpien déclaré par la salariée relevait bien de la législation sur les risques professionnels.
À cet effet, elle a adressé à l’assurée un questionnaire qui a été dument rempli par ses soins. La CPAM soutient également avoir communiqué à l’employeur un questionnaire en s’appuyant sur une capture d’écran de son logiciel de gestion des dossiers et un historique informatique relatif à l’envoi des questionnaires.
Cependant, pour la Cour, la seule indication sur le logiciel de gestion des dossiers d’une tâche à accomplir, en l’espèce l’envoi effectif du questionnaire et la relance, ne démontre pas la réalisation effective de cette tâche en l’absence de tout autre élément probant, singulièrement la communication de courriels d’envoi et de relance.
En outre, elle relève que les deux documents communiqués par la caisse comportent des indications contradictoires. Enfin, elle produit un autre questionnaire qui concernait une autre procédure et donc parfaitement étranger aux débats.
La Cour d’appel constate donc que la caisse ne parvient pas à démontrer qu’elle a bien respecté le principe du contradictoire en adressant un questionnaire à l’employeur comme à l’assuré, de sorte qu’elle déclare inopposable à l’employeur la décision de prise en charge.
Au cas présent, l’inopposabilité permet à l’employeur de pouvoir solliciter le retrait de son compte employeur de la maladie concernée et, le cas échéant, une réduction non-négligeable sur les cotisations sociales payées au titre du taux AT/MP.
Maître Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON
Droit du travail – Droit de la sécurité sociale
***
N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.