Accident de Travail
L’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale énonce qu’est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.
Un accident du travail implique l’intervention de la CPAM, cette dernière étant susceptible de diligenter une instruction prévue par les dispositions du code de la sécurité sociale.
Aussi, la durée d’un arrêt de travail au titre de la législation sur les risques professionnels a un impact non-négligeable quant à la fixation du taux AT/MP pour les entreprises.
Vous trouverez ci-après une foire aux questions relative à l’accident du travail.
En quoi consiste la présomption applicable à un accident survenu au temps et au lieu du travail ?
Pour démontrer le lien entre un accident et le travail, la jurisprudence a établi l’existence d’une présomption pour tout accident survenu au temps et au lieu de travail. Autrement dit, l’accident est présumé en lien avec le travail dès lors qu’il est survenu pendant le temps de travail et sur le lieu de travail.
A titre d’illustration, tout malaise survenu au temps et au lieu du travail est présumé être en lien avec le travail (Cass. civ. 2ème, 29 mai 2019, n° 18-16.183 ; Cass. civ. 2ème, 9 septembre 2021, n° 19-25.418).
La jurisprudence est assez souple sur les notions de lieu de travail et d’heure de travail. Ainsi, doit être reconnu comme un accident du travail l’accident survenu « dans une dépendance de l’entreprise où l’employeur continuait à exercer ses pouvoirs d’organisation, de direction et de contrôle, de sorte que le salarié se trouvait toujours sous son autorité et n’avait pas encore entrepris, en toute indépendance, le trajet reliant le lieu de son travail à sa résidence » (Cass. soc., 30 novembre 1995, n° 93-14.208).
En application de la présomption d’imputabilité, il appartient alors à l’employeur, ou à la CPAM, de rapporter la preuve d’une cause totalement étrangère au travail.
Dans quel délai l’employeur doit-il déclarer un accident du travail ?
S’agissant de la procédure de reconnaissance d’un accident du travail, l’article L. 441-2 du code de la sécurité sociale impose à tout employeur de déclarer tout accident dont un de ses salariés est victime auprès de la CPAM. Cette déclaration doit être faite dans un délai de 48 heures à compter de sa connaissance conformément à l’article R. 441-3 du même code.
Ce même salarié doit informer son employeur de la survenance d’un accident dans la journée où il s’est produit ou au plus tard dans les vingt-quatre heures en vertu de l’article R. 441-2 du code précité.
L’employeur peut-il émettre des réserves lors de la déclaration d’accident du travail ?
Lors de la déclaration d’accident, l’employeur a la possibilité de joindre des réserves en vue de contester la matérialité de l’accident. Le code de la sécurité sociale ne donne aucune définition de ce qu’il faut entendre par réserves motivées.
La jurisprudence a ainsi précisé que « les réserves visées par ce texte s’entendant de la contestation du caractère professionnel de l’accident par l’employeur ne peuvent porter que sur les circonstances de temps et de lieu de celui-ci ou sur l’existence d’une cause totalement étrangère au travail » (Cass. civ. 2ème, 10 juillet 2008, n° 07-18.110).
Au stade de la rédaction de ces réserves, l’employeur n’a pas à rapporter la preuve absolue que l’accident contesté n’a pas un caractère professionnel. Dès lors, la CPAM n’a pas à apprécier leur bien-fondé, ce qui sera le but de l’enquête (Cass. civ. 2ème, 11 mai 2023, n° 21-19.320 ; Cass. civ. 2ème, 05 janvier 2023, n° 21-15.025).
Par exemple, pour certains juges du fond, la mention « Absence de témoin » constitue des réserves motivées dans la mesure où elle porte sur la contestation du caractère professionnel de l’accident par l’employeur concernant les circonstances de temps et de lieu de celui-ci (CA GRENOBLE, 15 mai 2023, RG n° 21/04534 ; CA DIJON, 25 mai 2023, RG n° 21/00212).
En cas de réserves motivées, selon l’article R. 441-7 du code de la sécurité sociale, la CPAM se doit de diligenter une instruction en adressant un questionnaire aux protagonistes concernés et/ou procède à une enquête auprès de ces derniers.
Que se passe-t-il une fois que la CPAM a fini de diligenter une enquête ?
A l’issue de son enquête, les parties (employeur et assuré) ont la possibilité de consulter les pièces réunies par la CPAM au cours de son enquête (liste des pièces visées à l’article R. 441-14 du CSS) ainsi qu’émettre des observations.
Un important contentieux existe quant au respect du contradictoire par la CPAM au cours de son enquête. En cas de méconnaissance de ce principe, l’employeur est légitime à solliciter l’inopposabilité de la décision de prise en charge de l’accident du travail en cause.
A titre d’illustration, la mise à disposition d’un dossier incomplet caractérise une violation du principe du contradictoire sanctionnée par l’inopposabilité de la décision de prise en charge en faveur de l’employeur (Cass. civ. 2ème, 24 mai 2017, n° 16-17.728).
Quel est l’impact de la durée d’un arrêt au titre d’un accident du travail pour un employeur ?
En la matière, la durée d’un arrêt de travail en lien avec un accident du travail va venir impacter le calcul du taux de cotisations AT/MP des employeurs.
Autrement dit, plus un arrêt de travail est long, plus cela aura un impact financier pour les employeurs.
Comment l’employeur peut-il contester la longueur d’un arrêt au titre d’un accident du travail ?
En pratique, il est possible de contester devant les juridictions de sécurité sociale la durée des arrêts de travail prescrits à un salarié au titre de la législation sur les risques professionnels.
Si, hier, il était imposé à la CPAM de rapporter la preuve d’une continuité de soins et de symptômes afin de bénéficier de la présomption d’imputabilité (Cass. civ. 2ème, 15 février 2018, n° 17-11.231), les choses ont nettement évolué ces dernières années sous l’égide de la jurisprudence de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation.
Désormais, par un attendu de principe rappelé à plusieurs reprises, cette chambre énonce que « la présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d’accident du travail est assorti d’un arrêt de travail, s’étend à toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime, et il appartient à l’employeur qui conteste cette présomption d’apporter la preuve contraire » (Cass. civ. 2ème, 10 novembre 2022, n° 21-10.955).
Autrement dit, la CPAM n’a pas à rapporter la preuve d’une continuité de soins et de symptômes dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit. En revanche, tel n’est plus le cas dans l’hypothèse inverse.
A titre d’illustration, la Cour d’appel de COLMAR a relevé qu’en l’absence d’un arrêt de travail initial, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation conditionne le bénéfice de la présomption d’imputabilité à la preuve, par l’organisme de sécurité sociale, de la continuité des symptômes et des soins. A défaut, l’employeur est légitime à réclamer l’inopposabilité, en partie, des arrêts et soins prescrits au salarié (CA COLMAR, 29 juin 2023, RG n° 20/02911).
Outre la contestation de la présomption d’imputabilité par l’absence de prescription d’un arrêt de travail initial, il est possible d’invoquer l’existence d’une cause totalement étrangère, à laquelle, à partir d’une certaine date, les lésions, soins et arrêts sont imputables.
Sur ce point, un arrêt de la Cour de cassation démontre qu’une cause totalement étrangère peut être rapportée par la production d’une note médicale étayée d’un médecin conseil sans qu’il ne soit nécessairement recouru à une expertise médicale judiciaire (Cass. civ. 2ème, 22 juin 2023, n° 21-21.949).
Que se passe-t-il à l’issue des arrêts de travail ?
Suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle, tout salarié peut présenter des séquelles, alors même que son état de santé est consolidé.
Autrement dit, ce dernier gardera tout au long de sa vie des gênes directement imputables à son accident du travail ou sa maladie professionnelle.
Une fois l’état de santé de l’assuré consolidé, la CPAM convoque le salarié à un examen médical. Au cours de celui-ci, le médecin conseil de cette dernière va constater les séquelles susceptibles de justifier l’attribution d’un taux d’incapacité.
Selon quels critères est fixé le taux d’incapacité ?
Conformément à l’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, le taux d’incapacité est déterminé selon les critères suivants :
- La nature de l’infirmité,
- L’âge de la victime,
- Son état de santé général,
- Ses facultés physiques et mentales,
- Ses aptitudes et sa qualification professionnelle.
Afin de fixer ce taux, le législateur a prévu des barèmes indicatifs, un concernant les accidents du travail et un spécifique aux maladies professionnelles, tous les deux annexés à l’article R. 434-32 du code de la sécurité sociale.
Ces deux barèmes sont relativement complets et précisent les examens cliniques devant être réalisés par le médecin conseil de la CPAM.
L’incidence professionnelle est-elle prise en compte dans la fixation du taux IPP ?
Lors de l’examen clinique de l’assuré, le médecin conseil de la CPAM peut constater que la victime présente un état de santé susceptible de rendre celle-ci inapte à l’exercice de sa profession. Autrement dit, l’accident du travail ou la maladie professionnelle engendre son licenciement pour inaptitude professionnelle.
Dans ce cadre, l’article R. 434-31 du code de la sécurité sociale exige du médecin conseil de la CPAM de recueillir l’avis du médecin du travail. Dans un délai de 15 jours suivant la réception de cette demande d’avis, celui-ci devra mentionner ses observations relatives à l’aptitude de la victime à reprendre son ancien emploi ou à la nécessité d’une réadaptation.
En cas d’inaptitude avérée à ne plus pouvoir exercer son emploi, le salarié se verra attribué un taux socio-professionnel qui s’ajoutera au taux médical déterminé en fonction des barèmes susvisés.
Peut-on contester le taux d’incapacité ?
Une fois le taux déterminé, la CPAM adresse à la victime et son employeur une décision motivée quant à l’attribution du taux d’incapacité conformément à l’article R. 434-31 du code de la sécurité sociale. A cet effet, la victime peut solliciter la communication du rapport médical établi par le médecin conseil de la CPAM. Une telle démarche apparaît opportune, notamment dans le cadre d’une contestation ultérieure de la fixation du taux d’incapacité.
La contestation de ce taux, autant pour l’employeur que pour le salarié, nécessite un recours préalable devant la Commission médicale de recours amiable (CMRA) conformément à l’article L. 142-4 du code de la sécurité sociale, dans un délai de deux mois à compter de la réception de la décision.
Dans ce cadre, en cas de recours à l’initiative de l’assuré, la CMRA peut décider de procéder à un nouvel examen médical de l’assuré selon l’article R. 142-8-4 du code précité. L’absence de réponse de cette commission dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine équivaut à une décision implicite de rejet. Il conviendra alors de saisir les juridictions de sécurité sociale (Tribunal judiciaire – Pôle social) dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision.
Dans le cadre de ce recours préalable, l’employeur peut avoir accès à certains éléments médicaux, dont le rapport d’évaluation des séquelles et ce, par l’intermédiaire d’un médecin qu’il mandate à cet effet.
A partir de quand le taux IPP donne lieu au versement d’une rente ?
L’indemnisation accordée au salarié victime dépendra du taux déterminé par le médecin conseil de la CPAM. En effet, lorsque ce taux est inférieur à 10 %, une indemnité en capital est versée au salarié. Cette indemnité est versée en une seule fois.
A compter de 10 %, le taux IPP donne lieu au versement d’une rente viagère, soit tout au long de la vie de la victime jusqu’à son décès. Son montant est déterminé conformément aux dispositions du code de la sécurité sociale.
Plus particulièrement, l’article R. 434-2 de ce code prévoit que la rente est égale au salaire annuel multiplié par le taux d’incapacité préalablement réduit de moitié pour la partie de ce taux qui ne dépasse pas 50 % et augmenté de la moitié pour la partie qui excède 50 %.
A titre d’illustration pour un salaire annuel de 20.000 €, on obtient les rentes suivantes :
En cas de taux IPP de 30 % :
Taux de la rente = 30/2 = 15
Montant annuel de la rente = 20.000 € x 15 % = 3.000,00 €
En cas de taux IPP de 70 % :
Taux de la rente = (50/2) + (20 + 10) = 55 %
Montant annuel de la rente = 20.000 € x 55 % = 11.000,00 €
La rente est en principe versée tous les trimestres ou mensuellement dans l’hypothèse d’un taux d’incapacité supérieur à 50 %.
En outre, en cas de décès de la victime des suites de son accident du travail ou sa maladie professionnelle, ses ayants droits peuvent également solliciter le versement d’une rente.
Les règles applicables en matière d’accident du travail peuvent s’avérer complexe. En outre, les délais pour contester la décision de la CPAM sont extrêmement brefs.
Ce pourquoi, le Cabinet peut accompagner, autant les salariés que les employeurs, tout au long de la procédure d’un accident du travail et/ou de l’attribution d’un taux IPP.
Florent LABRUGERE
Avocat en droit du travail et en droit de la sécurité sociale
N.B : Cet article est mis en ligne uniquement à des fins d’information. En raison de l’évolution permanente de la législation et la jurisprudence, le Cabinet ne peut toutefois pas garantir son application actuelle et vous invite à l’interroger pour toute question juridique ou problème concernant le thème évoqué.
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Maître Florent Labrugère
Avocat en droit du Travail et de la Sécurité Sociale à Lyon. Anticipez le prochain mouvement !