Discrimination et Harcèlement
Dès les dispositions préliminaires du code du travail, deux situations particulières sont visées : la discrimination et le harcèlement.
Cette présence en début du code du travail n’est pas un simple hasard, le législateur ayant pour finalité de prohiber toute situation discriminatoire ou harcelante au travail.
A cet égard, le règlement intérieur doit obligatoirement rappeler les dispositions relatives au harcèlement moral et sexuel conformément à l’article L. 1321-2 du code du travail.
Plus précisément, le code du travail pose un principe général de non-discrimination (1). De la même manière, toute situation de harcèlement, moral ou sexuel, au travail est proscrite (2).
1. Sur le principe de non-discrimination
a/ L’article L. 1132-1 du code du travail pose le principe général de non-discrimination. Plus particulièrement, cette disposition vise plusieurs critères sur lesquels un employeur ne peut pas se fonder, à défaut de quoi, il s’agirait d’un cas de discrimination.
Aussi, la discrimination est avérée lorsqu’un salarié est traité différemment en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d’un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique…
La discrimination peut intervenir à différents stades :
- Lors de l’embauche,
- Au cours de l’exécution du contrat de travail : mutation, rémunération…,
- Lors de la rupture du contrat de travail.
Au sens de l’article 1er de la LOI n° 2008-496 du 27 mai 2008, on parle de :
- discrimination directe lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable selon l’un des critères précités.
- Discrimination indirecte lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.
A titre d’illustration, la jurisprudence a considéré que :
- Constitue une discrimination en raison de son origine le fait de demander à un salarié de changer de prénom (Cass. soc., 10 novembre 2009, n° 08-42.286).
- Constitue une discrimination syndicale à l’encontre d’un salarié, disposant d’un mandat auprès des institutions représentatives du personnel, qui a fait l’objet de six procédures disciplinaires non-justifiées et ne disposant pas d’un accès au logiciel interne à la société (Cass. soc., 5 avril 2023, n° 21-24.556).
En revanche, lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartient au salarié de démontrer que la rupture de son contrat de travail constitue une mesure de rétorsion à une plainte antérieure au sein de l’entreprise pour discrimination.
Aussi, aucune discrimination n’est démontrée par une salariée qui se contente de produire ses propres écrits au soutien de son allégation de discrimination en lien avec son état de santé, les pièces d’ordre médical, en l’absence de toute constatation médicale sur les conditions de travail de la salariée, étant également insuffisantes (Cass. soc., 22 mars 2023, n° 22-10.556).
b/ S’agissant de la répartition de la charge de la preuve dans ce domaine, l’article L. 1134-1 du code du travail l’aménage au profit du salarié. Ainsi, il lui appartient de présenter au juge des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte.
Ensuite, au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En dépit de cet aménagement de la charge de la preuve, il n’est pas rare en pratique pour le salarié qu’il lui soit difficile d’apporter des premiers éléments en vue de démontrer une discrimination. Ce pourquoi, avant d’engager toute procédure sur ce point, une action préalable soit nécessaire pour réunir ces premiers éléments.
Il s’agit alors d’un référé probatoire fondé sur l’article 145 du code de procédure civile qui dispose que « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ».
A cet effet, l’article 11 du même code précise que « si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l’autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d’astreinte ».
Autrement dit, il existe un véritable droit à la preuve : un salarié est légitime à saisir le Conseil de prud’hommes, en référé, en vue qu’il soit enjoint à son employeur de produire des éléments qu’il estime indispensable afin de démontrer une éventuelle discrimination.
En combinant les textes précités, la chambre sociale de la Cour de cassation a précisé que « la procédure prévue par l’article 145 du code de procédure civile ne peut être écartée en matière de discrimination au motif de l’existence d’un mécanisme probatoire spécifique résultant des dispositions de l’article L. 1134-1 du code du travail » (Cass. soc., 22 septembre 2021, n° 19-26.144).
De plus, les éléments susceptibles d’être réclamés peuvent porter sur d’autres salariés et donc porter atteinte à leur vie privée. Là encore, la Cour de cassation a apporté des précisions. Ainsi, « le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi » (Cass. soc., 16 décembre 2020, n° 19-17.637).
2. Sur le harcèlement moral et sexuel
a/ Selon l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Les exemples de harcèlement moral sont multiples : insultes régulières sur le lieu de travail, menaces de licenciement…
Comme en matière de discrimination, les règles de preuve sont aménagées au profit des salariés. Dans un premier temps, il appartient au salarié d’apporter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Il n’a donc pas besoin d’apporter la preuve irréfutable de la réalité des faits de harcèlement moral.
Une fois ces premiers éléments apportés, il appartient, ensuite, à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
A titre d’illustration, la constatation d’une altération de l’état de santé d’un salarié n’est pas à elle seule de nature à laisser présumer l’existence d’un harcèlement moral (Cass. soc., 9 octobre 2019, n° 18-14.069).
Autrement dit, outre une altération de l’état de santé, le salarié doit apporter des éléments tangibles caractérisant un manquement de son employeur.
De manière constante, la jurisprudence estime que le non-respect des préconisations émises par le médecin du travail peut constituer des faits de harcèlement moral (Cass. soc., 04 novembre 2020, n° 19-11.626 ; Cass. soc., 12 juillet 2022, n° 20-23367).
De même, l’usage intempestif et non justifié du pouvoir de sanction de l’employeur en engageant treize procédures de licenciement est susceptible de constituer des faits de harcèlement moral (Cass. soc., 10 mars 2021, n° 19-24487).
En revanche, un unique avertissement injustifié ou un fait isolé ne peut caractériser une situation de harcèlement moral (Cass. soc., 19 mai 2015, n° 13-25.615).
b/ Outre la prohibition du harcèlement moral, le harcèlement sexuel est tout aussi proscrit. Aussi, selon l’article L. 1153-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des faits :
- Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;
- Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.
A titre d’illustration, un fait unique peut suffire à caractériser le harcèlement sexuel dans un cas où le président d’une association avait « conseillé » à une salariée qui se plaignait de coups de soleil de « dormir avec lui dans sa chambre », « ce qui lui permettrait de lui faire du bien » (Cass. soc., 17 mai 2017, n° 15-19.300).
En revanche, aucun reproche ne peut être fait à l’employeur concernant des faits allégués de harcèlement sexuel commis par un autre salarié en dehors de l’entreprise et du temps de travail, la salariée victime n’ayant pas informé l’employeur de tels faits (Cass. soc., 14 octobre 2020, n° 19-13.168).
c/ En matière de harcèlement, il pèse sur l’employeur une obligation de prévention conformément à l’article L. 1152-4 du code du travail.
Cette obligation de prévention impose ainsi à l’employeur de diligenter une enquête, en concertation avec les institutions représentatives du personnel, notamment lorsque l’un de ses salariés dénonce une situation de harcèlement moral (Cass. soc., 9 juillet 2014, n° 13-16.797).
En présence d’une situation de harcèlement moral commis par un autre salarié, le salarié fautif peut faire l’objet d’une mesure disciplinaire selon l’article L. 1152-5 do code précité.
A titre d’illustration, un salarié occupant un poste à responsabilité et adoptant un comportement harcelant à l’égard d’un de ses subordonnés justifie un licenciement pour faute grave (Cass. soc., 28 juin 2023, n° 22-12.777).
En revanche, le harcèlement moral commis par un supérieur hiérarchique, en concertation avec sa direction, ne peut justifier un licenciement de ce dernier (Cass. soc., 12 juillet 2022, n° 20-22.857).
En présence de toute problématique en lien avec une discrimination ou de harcèlement, le Cabinet reste à votre disposition.
Florent LABRUGERE
Avocat en droit du travail et en droit de la sécurité sociale
N.B : Cet article est mis en ligne uniquement à des fins d’information. En raison de l’évolution permanente de la législation et la jurisprudence, le Cabinet ne peut toutefois pas garantir son application actuelle et vous invite à l’interroger pour toute question juridique ou problème concernant le thème évoqué.