CA PARIS, 02 avril 2024, RG n° 21/09413 *
Par cet arrêt, la Cour d’appel de PARIS est amenée à répondre à la question suivante : une dispense d’activité lors d’une procédure de licenciement peut-elle être assimilée à un licenciement verbal ?
En la matière, on rappellera, en premier lieu, que selon l’article L. 1232-6 du code du travail, lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.
Autrement dit, un licenciement est acté par une lettre de licenciement.
A défaut, tout licenciement verbal est dénué de cause réelle et sérieuse.
A titre d’illustration, constitue un tel licenciement le fait pour un salarié d’avoir été mis en disponibilité et s’être vu refuser l’accès à l’établissement le 4 novembre 2008 (Cass. soc., 17 janvier 2013, n° 11-25.277).
De même, caractérise un licenciement verbal le fait pour le salarié de devoir remettre, lors de la procédure de licenciement, les clefs lui permettant d’accéder à son lieu de travail d’être empêché de travailler pendant plusieurs jours en l’absence de mise à pied (Cass. soc., 09 mars 2011, n° 09-65.441).
En revanche, la dispense d’activité notifiée au salarié lors de sa convocation à un entretien préalable à un licenciement ne s’analyse pas en un licenciement verbal (Cass. soc., 05 novembre 2014, n° 13-20.882).
Telle était la problématique qui était soulevée dans l’arrêt commenté.
Au cas d’espèce, il était question d’une salariée qui a été embauchée en 2015 en qualité d’attachée commerciale.
Par courrier remis en mains propres contre décharge, elle a été convoquée à un entretien préalable fixé au 29 septembre 2020, courrier dans lequel elle a été dispensée d’activité.
Elle a, finalement, été licenciée pour motif économique par lettre datée du 8 octobre 2020. Ultérieurement, elle a saisi la juridiction prud’homale afin de contester son licenciement.
Au cas présent, la salariée soutient que l’employeur lui a demandé dès la convocation à l’entretien préalable de remettre tous ses outils professionnels (clés de l’entreprise, carte grise du véhicule de service…) et que son accès à distance au serveur a été immédiatement supprimé.
Selon elle, ce licenciement verbal doit s’analyser comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La Cour d’appel de PARIS rappelle que le fait pour l’employeur de convoquer par la suite le salarié à un entretien préalable et de lui notifier son licenciement ne régularise pas la rupture du contrat de travail qui reste sans cause réelle et sérieuse.
Elle relève que la convocation à l’entretien préalable de licenciement adressée par la société à la salariée, le 21 septembre 2020, précise qu’elle est dispensée de présence et d’activité à compter de ce jour jusqu’à l’entretien prévu le 29 septembre suivant.
Elle doit ainsi remettre les clés et la carte grise du véhicule de service, ce qui ne caractérise pas, selon la Cour, la volonté de l’employeur de mettre un terme au contrat.
Le courriel adressé le 01er octobre 2020 par la salariée à ses responsables selon lequel elle aurait remis à leur demande, son ordinateur professionnel et son téléphone portable, ce que les directeurs contestent, ne suffit pas à établir la réalité des faits invoqués.
Il s’ensuit que la Cour d’appel écarte l’existence d’un licenciement verbal.
Dès lors, pour répondre à la question posée en préambule : l’employeur a la possibilité de dispenser un salarié d’activité, y compris en dehors d’une procédure de licenciement non-disciplinaire.
En revanche, comme l’a rappelé récemment la Cour de cassation, le licenciement ne peut être acté qu’une fois la lettre de licenciement envoyée.
Aussi, le fait pour l’employeur de prévenir le salarié, par téléphone, de son licenciement le jour où la lettre de licenciement lui est adressée caractérise un licenciement verbal (Cass. soc., 03 avril 2024, n° 23-10.931).
Maître Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON
Droit du travail – Droit de la sécurité sociale
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N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.