La preuve du recours à un CDD d’usage

CA COLMAR, 19 avril 2024, RG n° 22/01464 *

Par cet arrêt, la Cour d’appel de COLMAR est amenée à apprécier la régularité du recours à un CDD dans les secteurs d’activité où il n’est pas d’usage de recourir au CDI.

En la matière, on rappellera, au préalable, que le CDI est la règle, le CDD l’exception.

Ce pourquoi, ce dernier type de contrat n’est prévu que dans certaines hypothèses selon l’article L. 1242-2 du code du travail.

Selon cet article, le CDD est possible pour des emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au CDI en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

A cet égard, l’article D. 1242-1 du code précité liste les secteurs dans lesquels il peut être recouru à un CDD d’usage.

Cependant, selon la jurisprudence, ce simple élément ne suffit pas.

En effet, la Cour de cassation impose « de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi » (Cass. soc., 29 novembre 2023, n° 22-16.911).

A titre d’illustration, tel est le cas lorsqu’un organisme de formation doit faire face à une commande exceptionnelle d’un client dès lors que celui-ci justifiait par des éléments précis et concrets que l’accumulation de stages sur une même période en des lieux différents ne lui permettait pas de faire face à la commande avec son effectif habituel permanent (Cass. soc., 27 septembre 2023, n° 22-16.284).

Telle était la problématique qui était soulevée dans l’arrêt commenté.

Au cas d’espèce, il était question d’une salariée qui a été engagée, en qualité d’auxiliaire de vie, suivant CDD d’usage du 12 octobre 2012.

Un nouveau CDD a été conclu, le 23 septembre 2013, puis la relation de travail s’est poursuivie jusqu’au mois de septembre 2019. Par avenant du 06 septembre 2019, les parties ont convenu de la rupture du contrat de travail.

Ultérieurement, la salariée a saisi les juridictions prud’homales afin de solliciter la requalification de son CDD en CDI.

Après avoir rappelé les textes précités, la Cour d’appel de COLMAR relève que le recours au CDD d’usage est également prévu dans la convention collective nationale des entreprises de service à la personne.

Au cas présent, elle relève que le CDD prévoit que la salariée interviendra au domicile d’une cliente de l’entreprise pour l’aider dans les actes de la vie courante et permettre son maintien à domicile. Il est également précisé de l’usage constant dans sa branche d’activité du recours au CDD.

Ainsi, pour la Cour d’appel, s’il est établi que l’employeur intervient dans un secteur d’activité dans lequel le CDD d’usage est autorisé, elle constate que ce dernier ne produit aucun élément susceptible de démontrer la réalité d’un usage constant du recours au CDD pour un emploi d’auxiliaire de vie.

A cet effet, un tel usage ne peut résulter uniquement de la durée imprévisible des missions d’accompagnement d’une personne à domicile.

Par ailleurs, la durée d’exécution du contrat de travail, qui s’est étendue sur presque six années, ne permet pas de considérer que la mission confiée à la salariée présentait le caractère d’une mission ponctuelle et occasionnelle au sens de la convention collective.

Dès lors, au regard de la carence probatoire de l’employeur, la Cour d’appel juge que le motif du CDD n’est pas fondé, de sorte qu’elle fait droit à la demande de requalification en CDI de la salariée.

Au titre de cette requalification, cette dernière se voit accorder une indemnité de requalification d’un mois de salaire ainsi que les indemnités inhérentes à la rupture abusive d’un CDI.

Cet arrêt vient rappeler le caractère subsidiaire du CDD par rapport au CDI, y compris pour un CDD d’usage.

Le risque de requalification est d’autant plus accrue si la relation contractuelle a vocation à perdurer sur plusieurs années.

Maître Florent LABRUGERE

Avocat au Barreau de LYON

Droit du travail – Droit de la sécurité sociale

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N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.

florent labrugere avocat droit du travail lyon

Maître Florent Labrugère

Avocat en droit du Travail et de la Sécurité Sociale à Lyon. Anticipez le prochain mouvement !