Même si le code du travail ne cesse de « s’étoffer » ces dernières années, le droit du travail reste un droit prétorien, fait par les juges, dans de nombreux domaines. A cet égard, le code du travail ne donne aucune définition du contrat de travail. L’article L. 1221-1 dispose seulement que contrat est soumis aux règles du droit commun et n’exige pas la conclusion d’un écrit contrairement à certains types de contrat (cf pour le contrat à durée déterminée et le contrat à temps partiel).
La jurisprudence est donc venue combler cette lacune en définissant traditionnellement le contrat de travail comme « une convention par laquelle une personne s’engage à mettre son activité à la disposition d’une autre sous la subordination de laquelle elle se place moyennant rémunération » (Cass. soc., 22 juillet 1954).
L’existence d’un contrat de travail nécessite donc la réunion des trois éléments suivants :
- L’exercice d’une activité professionnelle (1),
- Une rémunération (2),
- Un lien de subordination (3).
1. Une activité professionnelle
Il s’agit là de se poser la question de savoir si toute activité rémunérée peut constituer un travail en tant que tel. A titre d’illustration, le législateur peut directement exclure l’existence d’un contrat de travail notamment en matière de relation de travail des personnes incarcérées selon l’article L. 717-3 du code de procédure pénale.
Il en ira de même pour les stagiaires dont le travail est régi par les dispositions du code de l’éducation.
La jurisprudence elle-même a exclu l’existence d’une relation de travail dans le cadre des congrégations religieuses. Très tôt, la Cour de cassation a estimé qu’il n’y avait pas de contrat de travail entre un établissement d’enseignement libre et les prêtres ou religieux mis à disposition par l’évêque pour accomplir une mission d’enseignement, moyennant une rémunération, faute d’un consentement personnel, les ordres de l’évêque s’imposant à eux en vertu de leurs vœux d’obéissance (Cass. civ. 13 mars 1964).
Plus récemment, la chambre sociale de la juridiction suprême a légèrement assoupli sa position en considérant que la relation de travail est seulement exclue pour les activités qu’une personne accomplit pour le compte et au bénéfice d’une congrégation ou d’une association cultuelle légalement établie.
Ainsi, la relation salariale est caractérisée pour un couple membre d’une communauté religieuse catholique, dont l’un est responsable de la gestion et de l’entretien du patrimoine et l’autre assurait des tâches de secrétariat, de lingerie et d’organisation de manifestations, travaillait pour le compte de l’association dans un rapport de subordination caractérisant un contrat de travail (Cass. soc. 29 octobre 2008, n° 07-44.766).
De la même manière, la jurisprudence a été amenée à se positionner sur l’existence d’un contrat de travail liant les participants d’une téléréalité au producteur. Pour ce faire, les juges ont examiné précisément les conditions de travail de ces personnes pour en conclure qu’elles effectuaient une prestation de travail exécutée sous la subordination de la Société de production (Cass. soc., 3 juin 2009, n° 08-40.981, concernant l’île de la tentation ; voir pour le jeu Koh-Lanta : Cass. soc., 25 juin 2013, n°12-17.660).
2. Une rémunération
En principe, toute relation de travail suppose une rémunération, le travail étant exercé à titre onéreux. Le mode de rémunération n’importe peu (Somme forfaitaire, commissions, avantage en nature…). Toutefois, il convient de noter que tout employeur doit respecter la réglementation en matière de salaire minimum de croissance, le SMIC, outre les éventuels minimas conventionnels.
Pour autant, une relation de bénévolat peut tout à fait être requalifiée par les juges en une relation de travail dès lors que l’activité est exercée sous la subordination d’autrui (Cass. soc., 29 janvier 2002, n° 99-42.697).
Au contraire, l’aide bénévole apporté par une épouse dans la société de son marié, sans qu’elle ne soit soumise à des contraintes professionnelles, exclut toute relation salariale (Cass. soc., 31 mars 2016, n° 14-20.774).
Afin d’éviter tout risque de requalification par le juge en matière de bénévolat dans l’aide humanitaire, le législateur a créé le régime juridique du service civique. A cet égard, une indemnité peut être versée à la personne sous ce régime, dont le montant est directement fixé par décret selon l’article L. 120-18 du code du service national.
3. Un lien de subordination
Il s’agit de l’élément central et indispensable dans tout contrat de travail. Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, « le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné » (Cass. soc., 13 novembre 1996, n° 94-13.187).
Le lien de subordination nécessite ainsi le triptyque suivant : Pouvoir de direction – Pouvoir de contrôle – Pouvoir de sanction. Au contraire, une relation salariale est antinomique à la notion d’indépendance totale du travailleur. En cette qualité d’indépendant, le travailleur subira directement les pertes de son activité contrairement à la relation employeur/salarié, dans laquelle seul le premier supporte les risques de son activité.
Ce lien de subordination est généralement déterminé par la méthode du faisceau d’indices. La Cour de cassation a ainsi cassé un arrêt ayant refusé l’existence d’un contrat de travail, alors que (Cass. soc., 9 janvier 2019, n° 17-24.023) :
- La direction de l’école déterminait les horaires des cours et des examens d’un enseignant,
- Ce dernier, qui exerçait dans les locaux de la société, devait participer à des réunions, aux conseils de classe et à la surveillance d’examens, remplir un cahier de textes, communiquer ses plans de cours,
- Le travail s’effectuait au sein d’une équipe et d’un service organisé.
Ces dernières années se pose la question récurrente de l’existence d’un contrat de travail des travailleurs des plateformes numériques. Ces personnes ont le plus souvent le statut d’auto-entrepreneur, ce qui exclut en principe le statut de salarié selon la présomption posée par l’article L. 8221-6 du code du travail.
Pour autant, la jurisprudence estime qu’il ne s’agit que d’une présomption simple susceptible d’être renversé par un faisceau d’indices démontrant notamment un lien de subordination. A cet effet, le Conseil constitutionnel a lui-même rappelé ce principe (CC, 20 décembre 2019, DC n° 2019794).
Dans le contentieux lié au travailleur « Uber », la Cour de cassation a récemment appliqué sa définition traditionnelle du lien de subordination en confirmant la décision de la Cour d’appel ayant constaté l’existence d’un contrat de travail entre les parties en causes (Cass. soc., 4 mars 2020, n° 19-13.316).
L’URSSAF n’hésite également pas à requalifier des relations entre un donneur d’ordre et un auto-entrepreneur dans le cadre de ses contrôles dès lors que ce dernier ne disposait d’aucune indépendance dans l’organisation et l’exécution de son travail (Cass. civ. 2ème, 28 novembre 2019, n° 18-15.333).
Les conséquences financières pour l’employeur peuvent être extrêmement importantes puisque les sommes versées dans le cadre de cette relation seront intégralement soumises à cotisations sociales, outre des pénalités et sanctions pénales.
Compte tenu de la complexité et de l’évolution de la jurisprudence en la matière, le Cabinet se tient à la disposition, autant des salariés que des employeurs, pour évoquer un contentieux lié à l’existence ou non d’un contrat de travail.
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N.B : Cet article est mis en ligne uniquement à des fins d’information. En raison de l’évolution permanente de la législation et la jurisprudence, le Cabinet ne peut toutefois pas garantir son application actuelle et vous invite à l’interroger pour toute question juridique ou problème concernant le thème évoqué.