La remise en cause d’une rupture conventionnelle par l’employeur

CA PARIS, 13 juin 2024, RG n° 21/03893 *

Par cet arrêt, la Cour d’appel de PARIS est amenée à apprécier le bien-fondé d’une demande de remboursement par l’employeur de l’indemnité versée au salarié lors de la rupture conventionnelle.

En premier lieu, on rappellera que selon l’article L. 1237-11 du code du travail, l’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.

La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties de sorte à garantir la liberté du consentement des parties.

Jusqu’à présent, le contentieux amenait à une remise en cause de la rupture conventionnelle par le salarié.

Cependant, peut également se poser cette problématique côté employeur.

A cet effet, ce dernier est légitime à invoquer l’existence d’un dol du salarié qui se définit par l’article 1137 du code civil comme le « fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges ».

A titre d’illustration, la Cour de cassation avait déjà cassé un arrêt ayant annulé la rupture conventionnelle sur demande de l’employeur au motif qu’il n’avait pas été constaté que le projet de reconversion professionnelle présenté par le salarié à son employeur a déterminé le consentement de ce dernier à ladite rupture (Cass. soc., 11 mai 2022, n° 20-15.909).

Telle était la problématique qui était soulevée dans l’arrêt commenté.

Au cas d’espèce, un salarié a été engagé par une société à compter du 21 décembre 1981 en qualité de spécialiste d’entretien.

Le 19 juin 2018, les parties ont conclu une rupture conventionnelle prévoyant un départ de l’entreprise le 30 septembre 2018 et le versement d’une indemnité de rupture d’un montant de 131.826 euros.

Ultérieurement, la société a saisi les juridictions prud’homales afin que son ancien salarié soit condamné à lui rembourser l’indemnité de rupture versée.

Plus précisément, l’employeur soutient que son consentement a été vicié lors de la signature de la rupture conventionnelle en raison des manœuvres dolosives du salarié qui a délibérément menti sur le projet professionnel qu’il entendait réaliser.

Il expose ainsi que le salarié a motivé sa demande de rupture conventionnelle par le souhait d’aider sa fille à développer et agrandir un magasin de fleurs. Or, selon lui, le véritable motif de la rupture conventionnelle est le recrutement du salarié par une entreprise concurrente.

Sur ce point, la Cour d’appel de PARIS relève que l’employeur entend engager la responsabilité civile pour dol du salarié, réclamant ainsi que ce dernier lui verse des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi à hauteur du montant de l’indemnité payée au titre de la rupture conventionnelle.

A cet égard, elle rappelle qu’il appartient ainsi à l’employeur d’établir que le salarié avait exercé des manœuvres dolosives à son égard en lui mentant sciemment sur les raisons de son départ.

Or, elle constate que ce n’est que plus de 3 mois après la date de conclusion de la rupture conventionnelle litigieuse que le salarié a été engagé par une entreprise concurrente.

Il ne résulte d’aucun élément versé aux débats que des négociations sont intervenues entre cette dernière et le salarié avant le 19 juin 2018, voire avant le 4 juillet 2018, date à laquelle le délai de rétractation de la rupture conventionnelle prenait fin.

Par ailleurs, il appartient à l’employeur d’établir que le projet de reconversion professionnelle présenté par le salarié à son employeur a déterminé le consentement de ce dernier à la rupture conventionnelle.

Or, selon la Cour, cette preuve ne se déduit ni des termes de la rupture conventionnelle ni des autres éléments produits, l’employeur n’ayant d’ailleurs pas conditionné cette rupture à une reconversion professionnelle du salarié au titre de l’activité de fleuriste de sa fille.

Dès lors, la Cour d’appel juge que le dol du salarié n’est pas établi et déboute l’employeur de sa demande pécuniaire.

Cet arrêt doit être mis en perspective avec l’arrêt récent de la Cour de cassation qui a, au contraire, confirmé la nullité d’une rupture conventionnelle au motif que le salarié avait volontairement dissimulé des éléments dont il connaissait le caractère déterminant pour l’employeur afin d’obtenir son consentement à ladite rupture.

A ce titre, elle précise que « lorsque le contrat de travail est rompu en exécution d’une convention de rupture ensuite annulée en raison d’un vice du consentement de l’employeur, la rupture produit les effets d’une démission » (Cass. soc., 19 juin 2024, n° 23-10.817).

Tel n’était pas le cas dans l’arrêt commenté puisque la nullité de la rupture n’était pas demandée.

Ces exemples jurisprudentiels montrent, en revanche, les conséquences néfastes d’un potentiel mensonge d’un salarié à l’appui d’une demande de rupture conventionnelle.

Le Cabinet reste à disposition des entreprises et salariés en vue d’un accompagnement dans le cadre d’une rupture conventionnelle.

Maître Florent LABRUGERE

Avocat au Barreau de LYON

Droit du travail – Droit de la sécurité sociale

***

N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.

florent labrugere avocat droit du travail lyon

Maître Florent Labrugère

Avocat en droit du Travail et de la Sécurité Sociale à Lyon. Anticipez le prochain mouvement !