La séquestration d’un salarié, accident du travail?

CA PARIS, 28 juin 2024, RG n° 22/10051 *

Par cet arrêt, la Cour d’appel de PARIS est amenée à apprécier la réalité d’un accident du travail pour un salarié qui exposait avoir été séquestré lors d’un entretien et lui ayant entrainé une lésion d’ordre psychologique.

Il est maintenant acquis que tout accident survenu au temps et au lieu du travail est présumé être un accident du travail.

Aujourd’hui, la jurisprudence admet la reconnaissance d’un accident du travail ayant entrainé une lésion d’ordre psychologique.

Tel est le cas, par exemple, d’une dépression nerveuse qui était apparue soudainement deux jours après un entretien d’évaluation d’un salarié au cours duquel lui avait été notifié un changement d’affectation (Cass. civ. 2ème, 01 juillet 2003, n° 02-30.576).

Selon le dictionnaire en ligne Larousse, séquestrer se définit comme « détenir quelqu’un dans un lieu fermé, comme prisonnier ou comme otage »

Telle était la problématique qui était soulevée dans l’arrêt commenté.

Au cas d’espèce, le responsable d’un salarié lui a annoncé qu’il avait été décidé de rompre son contrat de travail. Dans le but d’essayer de trouver un accord sur le protocole transactionnel de rupture de contrat, le salarié a donc eu plusieurs entretiens avec le DRH.

A la suite du dernier entretien, il a fait état d’un acte de « séquestration » du DRH qui lui aurait intimé l’ordre de demeurer dans son bureau dans l’attente de la remise d’un courrier de convocation à entretien préalable à licenciement, cet acte l’aurait choqué et aurait porté atteinte à sa santé.

Après déclaration auprès de la CPAM et enquête de cette dernière, celle-ci a notifié un refus de reconnaissance du caractère professionnel de l’accident invoqué, décision qui a été contestée par le salarié devant les juridictions de sécurité sociale.

Avant même de s’intéresser à la matérialité de l’accident, se posait la question de la recevabilité de l’enregistrement de l’entretien, par le salarié, réalisé à l’insu des autres protagonistes, retranscrit dans un PV d’huissier.

Sur le fondement de la nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation, la Cour d’appel de PARIS admet la recevabilité de cet enregistrement dans la mesure où la négation totale tant par le DRH, que par son adjointe, de la réalité d’un incident démontre bien le caractère utile, voire indispensable, de cet enregistrement.

Elle relève également que la conversation étant enregistrée dans le cadre d’un entretien sur le lieu du travail et à propos de celui-ci n’avait aucun caractère personnel et ne portait donc pas atteinte aux intérêts personnels de ceux qui étaient enregistrés.

Sur l’existence ou non d’un fait accidentel, la Cour relève, en premier lieu, que le salarié n’a commencé à enregistrer que lorsque la situation a dégénéré, ce qui est plutôt l’indication de ce que cela n’était pas totalement programmé, et les parties sont en accord pour reconnaître que la situation était calme au début.

Pour la Cour, si le terme de séquestration paraît manifestement exagéré, puisque le salarié ne conteste pas avoir pu sortir au bout de 4 minutes environ, il n’en demeure pas moins établi que son DRH a clairement dit qu’il l’empêchait de sortir quelques minutes du bureau.

Si projeter un licenciement et négocier un protocole transactionnel font clairement partie de la vie normale de l’entreprise, dire au salarié « je t’empêche si je veux » ou lui répondre quand il demande à sortir du bureau : « non », sont des évènements anormaux susceptibles de perturber fortement le salarié, qui peuvent être qualifiés d’agression verbale, et doivent être considérés comme un fait accidentel.

La Cour relève également que le salarié a fait constater médicalement ses lésions dès le lendemain des faits, ce qui établit le lien entre le fait accidentel et les lésions.

Elle enjoint donc à la CPAM de prendre en charge au titre de la législation professionnelle la pathologie déclarée.

Aussi, pour répondre à la question posée en préambule, il apparait qu’un acte susceptible d’être assimilable à une séquestration est constitutif d’un accident du travail dès lors qu’il a entraîné un choc psychologique chez le salarié concerné.

Surtout, cet arrêt met en lumière l’incidence en matière probatoire de la recevabilité des enregistrements réalisés à l’insu des principaux intéressés et amène à la plus grande vigilance en pratique autant côté employeur que salarié.

Le Cabinet reste à disposition des entreprises et salariés en vue de traiter toute problématique avec les accidents du travail.

Maître Florent LABRUGERE

Avocat au Barreau de LYON

Droit du travail – Droit de la sécurité sociale

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N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.

florent labrugere avocat droit du travail lyon

Maître Florent Labrugère

Avocat en droit du Travail et de la Sécurité Sociale à Lyon. Anticipez le prochain mouvement !