CA METZ, 17 avril 2024, RG n° 21/02581*
Par cet arrêt, la Cour d’appel de METZ est amenée à apprécier le bien-fondé d’une demande de requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein.
En la matière, on rappellera, au préalable, que le code du travail impose un important formalisme pour un contrat de travail à temps partiel, l’écrit étant exigé ad validitatem.
A défaut, le contrat est réputé à temps complet comme l’a rappelé récemment la Cour de cassation (Cass. soc., 13 mars 2024, n° 22-10.890).
Plus particulièrement, l’article L. 3123-6 dudit code liste les mentions obligatoires de ce type de contrat, dont notamment :
- Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié.
- Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.
Sur ce dernier point, l’article L. 3123-9 du même code précise que les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée de travail accomplie par un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale du travail, soit 35 heures hebdomadaire.
A cet égard, un contrat de travail à temps partiel doit être requalifié en contrat de travail à temps complet, lorsque le salarié travaille trente-cinq heures ou plus au cours d’une semaine, quand bien même le contrat aurait fixé la durée de travail convenue sur une période mensuelle (Cass. soc., 15 septembre 2021, n° 19-19.563).
Telle était la problématique qui était soulevée dans l’arrêt commenté.
Au cas d’espèce, il était question d’une salariée qui a été engagée suivant un CDI à temps partiel à hauteur de 17,50 heures par semaine. Tout au long de la relation contractuelle pendant deux ans, elle a signé plus de 62 avenants venant modifier à la hausse son temps de travail.
Le 28 novembre 2018, elle a pris acte de son contrat de travail puis a, ultérieurement, saisi le Conseil de prud’hommes.
Au cas présent, la salariée fait état du caractère irrégulier et aléatoire de son temps de travail, impliquant qu’elle devait se tenir en permanence à disposition de son employeur.
Sur ce point, la Cour d’appel de METZ relève que ses relevés d’heures mensuels démontrent une variation des heures de travail susceptibles d’aller de 75,74 heures à 142,83 heures.
La salariée se prévaut également des 62 avenants temporaires établis par l’employeur à compter du 30 septembre 2016 jusqu’au 28 novembre 2018, qui ont augmenté la durée de son temps de travail pour remplacement de salariés absents identifiés.
Selon elle, ces avenants ont ponctuellement porté son temps de travail à celui d’un travail à temps complet voire à un temps de travail supérieur.
La Cour d’appel rappelle que le salarié embauché à temps partiel doit avoir une prévisibilité de son temps de travail afin de lui permettre d’occuper un autre emploi ou de se consacrer à sa vie familiale ou personnelle, ce qui exclut que ses horaires soient soumis à d’importantes variations.
Or, elle constate que le temps de travail hebdomadaire a été soumis à des variations importantes sans respect d’un délai de prévenance, par la signature de multiples avenants, et qu’ainsi la salariée devait se tenir en permanence à la disposition de son employeur.
Ainsi, au regard de la carence probatoire de l’employeur qui ne démontre pas que la salariée pouvait prévoir son rythme de travail et qu’elle n’avait pas à se tenir constamment à sa disposition, il est fait droit à la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet.
La Cour d’appel accorde donc à la salariée 11.205,25 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période courant de septembre 2016 à novembre 2018, outre 1.120,52 euros brut de congés payés afférents.
Comme exposé en préambule, cet arrêt vient rappeler l’impérieuse nécessité d’éviter une trop importante variabilité des horaires de salariés à temps partiel.
A défaut, les conséquences financières en cas de requalification à temps plein ne sont pas négligeables.
Maître Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON
Droit du travail – Droit de la sécurité sociale
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N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.