La violation du principe du contradictoire dans les relations CPAM/Salarié

CA AMIENS, 03 septembre 2024, RG n° 22/04064 *

Par cet arrêt, la Cour d’appel d’AMIENS est amenée à apprécier les conséquences d’une violation du principe du contradictoire dans les relations CPAM/Salarié.

Toute procédure d’instruction diligentée par la CPAM afin de statuer sur le caractère professionnel d’un accident ou d’une maladie est irrigué par le principe du contradictoire.

A cet effet, les dispositions du code de la sécurité sociale permettent à chacune des parties intéressées à l’instruction d’y participer.

Ainsi, l’article R. 441-8 dudit code prévoit qu’à l’issue de l’enquête sur un accident du travail, la CPAM met le dossier de son instruction à la disposition du salarié ainsi qu’à celle de l’employeur.

Ceux-ci disposent d’un délai de dix jours francs pour le consulter et faire connaître leurs observations, qui sont annexées au dossier. Au terme de ce délai, la victime ou ses représentants et l’employeur peuvent consulter le dossier sans formuler d’observations.

Traditionnellement, la méconnaissance du principe du contradictoire est invoquée côté employeur afin d’obtenir l’inopposabilité de la décision de prise en charge.

Tel est le cas, par exemple, en présence d’un dossier incomplet (Cass. civ. 2ème, 24 mai 2017, n° 16-17.728).

En revanche, côté salarié, la jurisprudence reste assez rare.

Telle était la problématique qui était soulevée dans l’arrêt commenté.

Au cas d’espèce, il était question d’une salariée qui a déclaré avoir été victime d’un accident sur son lieu de travail le 16 octobre 2020. Compte tenu de l’existence de réserves de l’employeur, la CPAM a diligenté une enquête administrative. Par décision du 27 avril 2021, celle-ci a refusé de prendre en charge l’accident déclaré.

La salariée a contesté ce refus devant les juridictions de sécurité sociale.

Au cas présent, la Cour d’appel d’AMIENS relève qu’il a été indiqué à l’employeur et à la salariée par la caisse, par courrier du 16 février 2021, qu’ils pouvaient consulter les pièces du dossier et formuler leurs observations du 13 avril 2021 au 26 avril 2021.

La salariée invoque une violation du principe du contradictoire en raison de l’absence de présence au dossier d’instruction d’un courrier de l’employeur du 21 avril 2021 comprenant ses observations.

Or, le fait que la salariée n’ait pu consulter ce courrier avant d’en prendre connaissance dans le cadre de la procédure judiciaire n’est aucunement contesté par la caisse.

La Cour estime ainsi que le contradictoire a donc manifestement été violé.

Cependant, pour elle, il n’en résulte aucunement que la sanction de cette situation soit l’inopposabilité de la décision de refus de prise en charge d’accident, la notion d’inopposabilité n’existant que dans les rapports caisse/employeur et en aucun cas dans les rapports caisse/salarié.

Par contre, la violation du contradictoire prive de tout effet la décision intervenue et oblige la caisse à reprendre la procédure d’instruction, la décision de refus de prise en charge restant acquise dans les rapports caisse/employeur.

Elle ordonne donc à la caisse de recommencer l’instruction du dossier en respectant cette fois-ci les prescriptions de l’article R. 441-18 du code de la sécurité sociale.

Cet arrêt met en lumière le traitement différent réservé à la méconnaissance du principe du contradictoire dans les rapports, d’un côté, CPAM/Employeur et, d’un autre côté, CPAM/Salarié.

La solution de la Cour d’appel trouve un écho dans la jurisprudence de la Cour de cassation relatif à l’absence de saisine du CRRMP dans l’instruction d’une maladie professionnelle.

Dans ce cas, la juridiction suprême estime qu’il appartient aux juges du fond, s’ils estiment que la caisse n’a pas instruit la demande conformément à ses obligations, d’adresser à celle-ci les injonctions nécessaires sans se substituer à elle (Cass. civ. 2ème, 25 juin 2009, n° 07-20.708).

La solution retenue par la Cour d’appel d’AMIENS a, toutefois, une certaine limite au regard des délais judiciaires : l’enquête devra recommencer quasiment, comme en l’espèce, plus de quatre ans après l’accident du travail, ce qui atténue notablement son intérêt pratique, d’autant plus si un nouveau recours judiciaire a lieu après la nouvelle décision de la CPAM.

Doit également se poser la question de l’incidence de cette nouvelle décision vis-à-vis de l’employeur.

A voir si un pourvoi en cassation sera formé à l’encontre de cette décision.

Le Cabinet reste à disposition des entreprises et salariés en vue de traiter toute problématique en droit du travail.

Maître Florent LABRUGERE

Avocat au Barreau de LYON

Droit du travail – Droit de la sécurité sociale

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N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.

florent labrugere avocat droit du travail lyon

Maître Florent Labrugère

Avocat en droit du Travail et de la Sécurité Sociale à Lyon. Anticipez le prochain mouvement !