CA ROUEN, 15 novembre 2024, RG n° 22/01777 *
Par cet arrêt, la Cour d’appel de ROUEN est amenée à apprécier l’existence d’une faute inexcusable en l’absence de visite médicale d’embauche.
En cas de reconnaissance d’une telle faute, cela ouvre en faveur du salarié à une indemnisation complémentaire.
De manière classique, il est maintenant acquis en jurisprudence que « le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver » (Cass. civ. 2ème, 08 octobre 2020, n° 18-25.021).
Sauf exception où la faute inexcusable peut être présumée, en temps normal, la charge de la preuve repose sur le salarié (Cass. civ. 2ème, 22 mars 2005, n° 03-20.044)
Telle était la problématique qui était soulevée dans l’arrêt commenté.
Au cas d’espèce, il était question d’un salarié occupant un poste de chef d’équipe et menuisier ossature bois.
Le 10 juillet 2017, il a déposé auprès de la CPAM une déclaration de maladie professionnelle au titre d’une tendinopathie de l’épaule gauche. Après enquête, la Caisse a pris en charge la maladie déclarée au titre de la législation sur les risques professionnels.
Ultérieurement, le salarié a saisi le Tribunal judiciaire afin de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur à l’origine de sa maladie professionnelle.
Après avoir rappelé la définition d’une faute inexcusable, la Cour d’appel de ROUEN indique que la preuve de celle-ci repose sur le salarié.
Au cas présent, le salarié reproche à son employeur de ne pas lui avoir fait passer la visite médicale d’embauche alors qu’il devait porter des charges lourdes, que son travail était « très physique » et mobilisait de manière importante ses épaules.
Or, la Cour relève qu’il ne démontre pas qu’il a été contraint d’assurer des ports de charges lourdes, seul, de manière habituelle et en toute connaissance de l’employeur, considérant que les photographies produites sont dénuées de valeur probante sur ce point.
Par ailleurs, elle estime que si l’employeur a manqué à son obligation de soumettre le salarié à la visite médicale d’embauche, il n’est pas établi que ce manquement constitue la cause nécessaire de la maladie professionnelle déclarée, eu égard, notamment, à la durée travaillée au sein de la société et au fait que le salarié travaillait précédemment à son embauche en qualité d’ouvrier du bâtiment.
De même, il n’est pas démontré que la réalisation de ladite visite aurait été de nature à prévenir la survenance de la pathologie déclarée.
Enfin, l’absence de DUER au moment de la prise en charge de la maladie est insuffisante à caractériser la faute inexcusable.
Ainsi, compte tenu de la carence probatoire du salarié, la Cour le déboute de l’ensemble de ses demandes.
La décision commentée constitue un exemple de la charge de la preuve reposant sur le salarié dans le contentieux de faute inexcusable.
Surtout, il vient rappeler qu’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité (en l’espèce : l’absence visite médicale d’embauche), sans lien avec la maladie professionnelle en cause, ne peut suffire à caractériser une faute inexcusable.
Le Cabinet reste à disposition des entreprises et salariés en vue de traiter toute problématique en droit de la sécurité sociale.
Maître Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON
Droit du travail – Droit de la sécurité sociale
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N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.
Maître Florent Labrugère
Avocat en droit du Travail et de la Sécurité Sociale à Lyon. Anticipez le prochain mouvement !