CA NIMES, 02 mai 2024, RG n° 23/00507
CA ROUEN, 26 avril 2024, RG n° 23/00840*
Par ces arrêts, les Cours d’appel de NIMES et ROUEN reviennent sur le régime juridique applicable à un accident du travail survenu alors que le salarié est en situation de télétravail.
En premier lieu, on rappellera que selon l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, « est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne mentionnée à l’article L. 311-2 ».
Très vite, la jurisprudence a consacré l’existence d’une présomption d’imputabilité pour tout accident survenu au temps et au lieu du travail.
Ainsi, par l’application de cette présomption, l’assuré n’a pas besoin d’établir l’existence d’un lien de causalité direct et certain entre son accident et son travail.
Tel est le cas, par exemple, d’un malaise survenu au temps et au lieu du travail (Cass. civ. 2ème, 19 octobre 2023, n° 22-13.275).
Avec le développement du télétravail à notre époque, se pose la question d’adapter cette présomption à un accident survenu au domicile du salarié.
D’un point de vue textuel, l’article L. 1222-9 du code du travail semble aligner le régime juridique d’un accident survenu en télétravail à celui précité.
Ainsi, l’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l’exercice de l’activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident de travail au sens de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale.
A notre connaissance, la Cour de cassation n’a jamais eu à se positionner sur l’application de cette disposition.
Telle était la problématique qui était soulevée dans les deux arrêts commentés.
Dans les deux arrêts, les deux salariées concernées étaient en télétravail.
Dans l’arrêt de NIMES, la salariée a, malheureusement, été victime d’un arrêt cardiaque, le 02 juillet 2020 à 15h18, à son domicile. Après enquête, la CPAM a reconnu le caractère professionnel de cet accident.
Dans l’arrêt de ROUEN, la salariée aurait été victime, le 22 avril 2021 à 13h30 alors qu’elle était en télétravail, d’un malaise. Après enquête, la CPAM a refusé de prendre en charge cet accident.
Des procédures judiciaires ont été initiées à l’encontre de chacune de ces décisions.
Dans l’arrêt de ROUEN, la salariée invoquait un « principe d’égalité » applicable entre les salariés en télétravail et les salariés travaillant sur site.
La Cour d’appel ne semble pas de cet avis indiquant qu’elle n’est pas juge de la constitutionnalité des lois.
En effet, elle rappelle que s’il est admis que les périodes qui précèdent ou suivent l’exécution de celui-ci, ou les pauses et/ou temps de repas, soient également considérées comme du temps de travail, c’est dans la mesure où le salarié reste placé sous l’autorité, la surveillance ou le contrôle de l’employeur.
Or, les débats mettent en évidence que la salariée badgeait au début et à la fin d’une période de travail.
Cependant, la salariée n’apporte aucun élément tendant à établir qu’elle se serait connectée en début d’après-midi au réseau de l’entreprise le jour de son accident. Il n’est fait état d’aucune communication ou tâche accomplie à ce moment-là. Dès lors, rien ne permet d’établir qu’elle avait repris le travail au moment de son malaise.
Pour la Cour, la salariée ne peut donc se prévaloir d’une présomption d’imputabilité au travail, ce qui justifie le refus de prise en charge de la CPAM.
Au contraire, dans l’arrêt de NIMES, la Cour d’appel relève qu’au moment de son décès à 15h18, la salariée se trouvait encore dans un lien de subordination avec son employeur, l’horaire de fin de travail pour la journée du 02 juillet 2020 étant fixé à 17h30.
Le décès est donc survenu des suites d’un malaise constaté à 14h30 pendant les horaires de télétravail de la salariée.
De plus, l’employeur, qui invoque un état de santé fragile de la salariée, notamment des problèmes respiratoires, ne démontre pas que le décès résulterait d’une cause totalement étrangère au travail.
Etant survenu au temps et au lieu de travail, l’accident bénéficie de la présomption d’imputabilité au travail.
Ces arrêts mettent en évidence l’existence d’une véritable construction jurisprudentielle quant à l’application de la présomption d’imputabilité à un accident d’un salarié en situation de télétravail, surtout sur la charge de la preuve.
Là où la Cour d’appel de ROUEN exige que le salarié démontre, autrement que par ses seuls propos, qu’il était en en situation de travail lors de son accident, la Cour d’appel de NIMES semble plus souple.
Le Cabinet reste à votre disposition concernant toute problématique en lien avec un accident du travail.
Maître Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON
Droit du travail – Droit de la sécurité sociale
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N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.
Maître Florent Labrugère
Avocat en droit du Travail et de la Sécurité Sociale à Lyon. Anticipez le prochain mouvement !