L’Arnaque au Président

CA COLMAR, 02 août 2024, RG n° 22/00696 *

Par cet arrêt, la Cour d’appel de COLMAR est amenée à apprécier le bien-fondé d’un licenciement disciplinaire dans l’hypothèse de l’arnaque/escroquerie au président.

Celle-ci consiste « à faire effectuer par un salarié d’une entreprise des opérations financières prétendument sollicitées par le président de l’entreprise dans des conditions de prétendue confidentialité destinées à couvrir des transferts de fonds au profit d’escrocs parfaitement organisés » (CA TOULOUSE, 19 juillet 2019, RG n° 17/05303).

En réaction, au regard du manque de vigilance du salarié à l’origine du transfert de fond, certains employeurs ont décidé de les licencier pour motif disciplinaire.

En la matière, on rappellera que tout licenciement doit être motivé par une cause réelle et sérieuse selon l’article L. 1232-1 du code du travail.

La réalité et la gravité d’une faute s’apprécie généralement selon la méthode de faisceau d’indices, plusieurs éléments étant pris en compte par les juges : passif disciplinaire, ancienneté, préjudice de l’employeur…

Telle était la problématique qui était soulevée dans l’arrêt commenté.

Au cas d’espèce, il était question d’une salariée qui a été engagée, en qualité d’assistante commerciale, le 01er1 juillet 1999.

En juillet 2020, son employeur a fait l’objet par courriel et par téléphone d’une tentative d’escroquerie aux faux ordres de virement bancaire. La salariée a donné suite aux courriels frauduleux et a procédé à quatre virements bancaires au profit d’un compte étranger, pour un montant total de 290.884,53 €. L’organisme bancaire a rejeté les virements et, ainsi, a déjoué la fraude.

Des suites de ce fait, la salariée a fait l’objet d’un licenciement pour faute simple qu’elle a contesté devant les juridictions prud’homales.

Au cas présent, la Cour d’appel de COLMAR note que par deux courriels des 17 juin et 22 juillet 2020, le directeur informatique de l’entreprise a recommandé aux salariés d’être vigilants pour éviter que le groupe ne soit la cible de cyber criminels, et de prévenir les attaques malveillantes. Des règles de prévention à suivre étaient indiquées.

La tentative d’escroquerie a eu lieu le 28 juillet 2020, soit seulement six jours après le second message.

Or, la salariée n’a pas respecté les règles basiques de sécurité informatique rappelées quelques jours avant la tentative d’escroquerie par le directeur informatique.

Pour la Cour, il apparaît étonnant qu’elle n’a tenu aucun compte des bandeaux d’avertissement, qu’elle a répondu à des adresses ne correspondant pas à la nomenclature de celles de l’entreprise, à des messages comportant des fautes d’orthographe, des signatures inhabituelles, et indiquant que dorénavant il fallait dialoguer sur ce nouveau mail.

Il apparaît, en outre, qu’elle a communiqué des extraits bancaires aux escrocs, et a donné des ordres de virement pour plus de 290.000 € alors que son autorisation se limitait à 200 €.

La Cour relève également que la salariée a cherché à supprimer les échanges de courriels avec les escrocs l’incriminant. Elle juge donc le licenciement fondé sur une faute simple.

Cet arrêt est un exemple jurisprudentiel de traiter d’un point de vue disciplinaire un salarié à l’origine de l’effectivité d’une arnaque au Président.

A titre de comparaison, certains juges du fond ont également reconnu comme justifié le licenciement opéré dans de telles circonstances (CA AIX-EN-PROVENCE, 02 novembre 2018, RG n° 16/11156), d’autres non (CA RENNES, 20 avril 2018, RG n° 16/01588).

Surtout, il convient de bien rédiger la lettre de licenciement. Ainsi, si celle-ci fait grief au salarié d’avoir participer aux opérations frauduleuses, l’employeur ne pourra pas ultérieurement modifier ce grief en reprochant, finalement, au salarié d’avoir permis la réalisation de l’escroquerie en raison de négligences fautives extrêmement graves (CA LYON, 06 novembre 2020, n° 17/08816).

Le Cabinet reste à disposition des entreprises et salariés en vue de traiter toute problématique en droit du travail.

Maître Florent LABRUGERE

Avocat au Barreau de LYON

Droit du travail – Droit de la sécurité sociale

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N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.

florent labrugere avocat droit du travail lyon

Maître Florent Labrugère

Avocat en droit du Travail et de la Sécurité Sociale à Lyon. Anticipez le prochain mouvement !