Le licenciement fondé sur l’absence de permis de conduire

CA NIMES, 03 octobre 2024, RG n° 22/02489 *

Par cet arrêt, la Cour d’appel de NIMES est amenée à apprécier le bien-fondé d’un licenciement prononcé en raison d’une absence de permis de conduire d’un salarié.

En la matière, la Cour de cassation a posé le principe suivant.

Un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.

Le fait pour un salarié qui utilise un véhicule dans l’exercice de ses fonctions de commettre, dans le cadre de sa vie personnelle, une infraction entraînant la suspension ou le retrait de son permis de conduire ne saurait être regardé comme une méconnaissance par l’intéressé de ses obligations découlant de son contrat de travail.

Dès lors, aucun licenciement disciplinaire ne peut être prononcé sur ce motif (Cass. soc., 03 mai 2011, n° 09-67.464).

En revanche, un licenciement fondé sur un trouble objectif causé au bon fonctionnement de l’entreprise et l’impossibilité de maintenir le contrat en raison de la perte du permis est possible dès lors que celui-ci était nécessaire à l’activité professionnelle du salarié (Cass. soc., 28 février 2018, n° 17-11.334).

Si la conduite d’un véhicule ne constitue pas l’un des éléments des fonctions exercées par le salarié, le licenciement sur ce motif est exclu (Cass. soc., 04 mai 2011, n° 09-43.192).

Telle était la problématique qui était soulevée dans l’arrêt commenté.

Au cas d’espèce, il était question d’un salarié qui a été engagé en qualité d’ouvrier miroitier. Dans l’exercice de ses fonctions, il était amené à se déplacer avec le véhicule de l’entreprise afin d’assurer ses prestations.

L’employeur s’est vu opposer un refus, de la part de son assurance, de poursuivre la garantie en cas de sinistre occasionné par son salarié avec le véhicule de l’entreprise, au motif que ce dernier ne serait pas titulaire du permis de conduire B.

Le salarié a, finalement, fait l’objet d’un licenciement pour cause réelle et sérieuse, licenciement qu’il a contesté devant les juridictions prud’homales.

Après avoir rappelé les règles précitées, la Cour d’appel de NIMES énonce que lorsque le salarié est dans l’impossibilité d’exécuter son travail, aucune obligation n’est faite à l’employeur de proposer un autre emploi au salarié, sauf dans certains cas prévus par la loi, notamment en matière de reclassement pour inaptitude.

Dans cette hypothèse, l’employeur est en droit de suspendre son contrat de travail et de suspendre le paiement des salaires. L’employeur ne peut être tenu de verser une rémunération que si une disposition légale, conventionnelle ou contractuelle lui en fait obligation.

Au cas présent, elle relève qu’aucune clause du contrat de travail liant les parties imposait que le salarié soit titulaire du permis B.

Or, la Cour d’appel constate qu’il n’est pas établi par l’employeur que le permis de conduire était indispensable à l’accomplissement des missions confiées au salarié.

La circonstance qu’il ait accepté après son embauche de se rendre chez des clients ne suffit pas à établir que la possession d’un permis B est indispensable à la poursuite de la relation salariale.

Ainsi, pour la Cour, le licenciement prononcé pour ne pas avoir justifié de la détention d’un permis B est dénué de cause réelle et sérieuse, de sorte qu’elle accorde au salarié des dommages et intérêts à ce titre.

Cet arrêt est un nouvel exemple des possibilités limitées pour un employeur de fonder un licenciement sur un événement rattachable à la vie privée d’un salarié mais ayant un impact sur son travail.

A cet égard, avant d’envisager ce licenciement dans l’hypothèse d’une perte, suspension ou absence de permis de conduire, il convient surtout de caractériser, en premier lieu, le caractère indispensable de la possession du permis pour l’exercice de ses missions.

De préférence, et dans une finalité probatoire, il est préconisé de le préciser dans une clause du contrat de travail.

Le Cabinet reste à disposition des entreprises et salariés en vue de traiter toute problématique en droit du travail.

Maître Florent LABRUGERE

Avocat au Barreau de LYON

Droit du travail – Droit de la sécurité sociale

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N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.

florent labrugere avocat droit du travail lyon

Maître Florent Labrugère

Avocat en droit du Travail et de la Sécurité Sociale à Lyon. Anticipez le prochain mouvement !