L’effectivité de l’entretien annuel pour un salarié en forfait jours

CA CAEN, 20 juin 2024, RG n° 22/03078 *

Par cet arrêt, la Cour d’appel de CAEN est amenée à apprécier la régularité d’une convention de forfait en jours.

En premier lieu, on rappellera que selon l’article L. 3121-55 du code du travail, la forfaitisation de la durée du travail doit faire l’objet de l’accord du salarié et d’une convention individuelle de forfait établie par écrit.

L’article L. 3121-60 du même code précise que l’employeur s’assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.

Généralement, il est prévu par les dispositions conventionnelles que l’employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer :

  • sa charge de travail, qui doit être raisonnable,
  • l’organisation de son travail,
  • l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle,
  • sa rémunération.

La tenue de cet entretien est extrêmement importante puisqu’en son absence, la convention est privée d’effet, la charge de la preuve reposant en la matière sur l’employeur (Cass. soc., 10 janvier 2024, n° 22-15.782).

A cet égard, chaque entretien annuel d’évaluation peut réserver une partie tant à l’amplitude du travail qu’à la charge de travail, ce qui peut s’avérer suffisant (Cass. soc., 16 février 2022, n° 19-17.871).

Telle était la problématique qui était soulevée dans l’arrêt commenté.

Au cas d’espèce, un salarié a initialement été embauché en qualité de responsable d’équipe avant d’être promu coordinateur qualité. A ce titre, il était soumis à une convention de forfait en jours sur l’année.

Ultérieurement, il a saisi les juridictions prud’homales notamment afin de réclamer la nullité ou l’inopposabilité de la convention de forfait et le paiement de ses heures supplémentaires.

Au cas d’espèce, la Cour d’appel de CAEN rappelle qu’à supposer le forfait valable, il ne sera néanmoins opposable au salarié que si l’employeur a contrôlé son activité et eu, avec lui, au moins chaque année, un entretien portant sur sa charge de travail, l’organisation du travail, l’articulation entre sa vie personnelle et professionnelle.

Elle examine donc la tenue des trois entretiens annuels d’évaluation sur la période pour laquelle la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires est formée de juin 2014 à juin 2017.

Dans les supports remplis lors des entretiens des 25 février 2015 et 29 février 2016, figure, pré-imprimée, une rubrique, différant légèrement dans sa formulation, destinée, est-il prévu, à un point sur l’organisation, la charge de travail et l’amplitude des journées de travail. Cette rubrique a été remplie d’un commentaire sur la charge de travail.

Cette rubrique telle qu’elle est prévue ne prévoit pas, en revanche, que soient abordés tous les sujets sur lesquels doit porter l’entretien annuel obligatoire en matière de forfait jour. Il ne ressort pas non plus, à travers les commentaires qui ont été portés, qu’ait été abordée l’articulation entre la vie professionnelle et professionnelle.

Le support de l’entretien du 17 février 2017 comporte pré-imprimée une rubrique qui correspond aux sujets devant être abordés lors de l’entretien annuel obligatoire en matière de forfait jour.

Toutefois, cette rubrique n’a pas été remplie, ne serait-ce que par une mention indiquant que le salarié n’entendait pas faire d’observation à ce propos. Dès lors, il n’est pas établi que ces sujets aient effectivement été abordés.

Pour la Cour, l’employeur ne justifie d’aucun entretien pendant la période litigieuse portant sur tous les sujets devant annuellement être abordés avec un salarié en forfait jour, ce forfait jour est inopposable.

Le temps de travail du salarié doit donc être décompté hebdomadairement et la Cour fait droit à sa demande d’heures supplémentaires à hauteur de 26.742,63 € brut.

Cet arrêt vient rappeler l’impérieuse nécessité de réaliser, a minima, un entretien annuel portant exclusivement sur la charge de travail d’un salarié soumis à un forfait jours tout évoquant chaque thème visé par les dispositions conventionnelles applicables.

A défaut, la sanction est rédhibitoire puisque le temps de travail du salarié sera alors décompté selon le droit commun et l’application des heures supplémentaires.

Le Cabinet reste à disposition des entreprises et salariés en vue de traiter toute problématique avec une convention de forfait en jours.

Maître Florent LABRUGERE

Avocat au Barreau de LYON

Droit du travail – Droit de la sécurité sociale

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N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.

florent labrugere avocat droit du travail lyon

Maître Florent Labrugère

Avocat en droit du Travail et de la Sécurité Sociale à Lyon. Anticipez le prochain mouvement !