CA NANCY, 30 novembre 2023, RG n° 22/02456 *
Par cet arrêt, la Cour d’appel de NANCY est amenée à rappeler les règles prévues en matière de sanction disciplinaire et, plus particulièrement, de l’application du principe non bis in idem.
En termes non juridique, ce principe signifie qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à double sanction.
Sur le fondement de ce principe, la Cour de cassation a également jugé que l’employeur, ayant connaissance de divers faits commis par le salarié considérés par lui comme fautifs, choisit de n’en sanctionner que certains, ne peut plus ultérieurement prononcer une nouvelle mesure disciplinaire pour sanctionner les autres faits antérieurs à la première sanction (Cass. soc., 13 février 2019, n° 17-21.793).
Autrement dit, dès lors que l’employeur a sanctionné un salarié et qu’il avait connaissance d’autres faits qu’il n’a pas souhaité sanctionné, il ne peut plus ultérieurement reprendre une nouvelle sanction disciplinaire sur la base de ces faits antérieurs.
On considère alors que l’employeur a épuisé son pouvoir disciplinaire.
Par sanction disciplinaire, l’article L. 1331-1 du code du travail précise que constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
La forme de la sanction n’a pas d’importance. A titre d’illustration, celle-ci peut être comprise dans un compte-rendu d’entretien (Cass. soc., 2 février 2022, n° 20-13.833).
Au contraire, ne constitue pas une telle sanction un courrier adressé au salarié qui ne comprend aucune injonction, ni mise en garde (Cass. soc., 2 février 2022, n° 20-17.068).
Telle était la problématique qui était soulevée dans l’arrêt commenté.
Dans le cas présent, il était question d’un salarié qui a été engagé sous CDI en 1998 et occupait, au dernier stade de la relation contractuelle, le poste de responsable de l’atelier mécanique.
Par courrier du 25 juin 2020, il a été licencié pour faute grave. Contestant cette sanction, il a saisi les juridictions prud’homales.
Après avoir rappelé les règles précitées, la Cour d’appel de NANCY relève qu’un courriel a été adressé au salarié avant son licenciement.
Reprenant le contenu de ce mail, elle note que la dernière phrase (« nous vous demandons de vous reprendre au plus vite, à défaut de quoi, nous serions contraints d’envisager à votre encontre une sanction plus sévère ») implique que ce mail constitue une première sanction, de la nature d’un avertissement.
Ce mail vise deux griefs : le non-respect de la consigne de fermeture de l’atelier mécanique, et le défaut de transmission à son supérieur hiérarchique des commandes en cours et de la charge de l’atelier mécanique.
Or, aux termes de la lettre de licenciement, ces mêmes griefs étaient visés. Aussi, pour la Cour, ces faits ne pouvaient être sanctionnés une deuxième fois et donc motivé le licenciement.
De plus, elle relève que les autres griefs évoqués dans la lettre étaient antérieurs au mail, de sorte que l’employeur ne pouvait plus les prendre en compte au stade du licenciement dès lors qu’il en avait lors de l’envoi dudit mail constituant une sanction disciplinaire.
La Cour d’appel juge donc le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, ce qui ouvre droit au salarié à des dommages et intérêts de plus de 65.000,00 € au regard de son ancienneté, outre une indemnité de licenciement d’un montant équivalent.
Maître Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON
Droit du travail – Droit de la sécurité sociale
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N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.