CA RIOM, 07 novembre 2023, RG n° 22/00015 *
Par cet arrêt, la Cour d’appel de RIOM revient sur le principe du contradictoire qui irrigue toute instruction diligentée par la CPAM dans le cadre de la reconnaissance d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.
Plus particulièrement, elle est amenée à s’intéresser à une instruction diligentée au cours du premier confinement de 2020 lié à la crise sanitaire.
Au cours d’une telle instruction, l’organisme de sécurité sociale se doit de respecter le principe du contradictoire. Autrement dit, chaque partie susceptible d’être intéressée par cette enquête doit avoir eu la possibilité de faire valoir ses arguments.
Aussi, la CPAM a pour obligation légale de transmettre, autant à l’employeur qu’au salarié, un questionnaire conformément aux articles R. 441-8 du code de la sécurité sociale pour les accidents du travail et R. 461-9 du même code pour les maladies professionnelles (anciennement R. 441-11).
En temps normal, l’employeur dispose d’un délai de trente jours francs pour répondre au questionnaire à compter de sa réception.
De plus, selon l’article R. 461-9 du même code, avant de prendre sa décision, la CPAM doit informer la victime ou à ses ayants droit ainsi que l’employeur de la possibilité, d’une part, de consulter les pièces recueillis au cours de son instruction et, d’autre part, de formuler des observations.
En temps, normal, l’employeur dispose d’un délai de dix jours francs pour consulter le dossier de la CPAM et faire connaître ses observations. Au terme de ce délai, il peut seulement consulter le dossier sans formuler d’observations jusqu’à la prise de décision.
A défaut de respect de ce formalisme substantiel, la CPAM a méconnu le principe du contradictoire.
Tel est le cas du non-respect du délai laissé à l’employeur pour venir consulter les pièces du dossier avant la prise de décision (Cass. civ. 2ème, 30 mars 2017, n° 16-11.605).
A cet égard, la méconnaissance par la CPAM de son obligation d’information n’est pas soumise à l’existence d’un grief (Cass. civ. 2ème, 07 juillet 2016, n° 15-20.302).
Au cours de la crise sanitaire liée à la Covid-19, les délais d’instruction ont été exceptionnellement aménagés par l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020.
En ce qui concerne les procédures de reconnaissance de maladie professionnelle, les délais de réponse au questionnaire et de mise à disposition du dossier ont été prorogés respectivement de 10 jours et 20 jours.
En conséquence, le premier de ces délais est porté à 40 jours francs, et le second à 30 jours francs.
Telle était la problématique qui était soulevée dans l’arrêt commenté.
Au cas d’espèce, il était question d’un salarié qui a déclaré auprès de la CPAM une maladie au titre d’un canal carpien, le 24 mars 2020. Après instruction, cette maladie a été prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.
L’employeur a contesté cette décision en saisissant les juridictions de sécurité sociale en invoquant notamment une violation du contradictoire par la CPAM au cours de l’instruction.
Après avoir rappelé les dispositions dérogatoires applicables durant la crise sanitaire, la Cour d’appel de RIOM rappelle que celles-ci ont vocation à s’appliquer aux délais d’instruction qui expirent entre le 12/03/2020 et le 20/10/2020.
En l’espèce, elle relève que ces prorogations de délais sont applicables.
Or, aux termes de son courrier d’ouverture d’instruction, la CPAM a informé l’employeur que la réponse au questionnaire transmis devait intervenir sous 30 jours et qu’à l’issue de l’étude du dossier, elle aurait la possibilité d’en consulter les pièces et de formuler ses observations pendant un délai franc de 10 jours.
Aussi, selon la Cour, il est exact que les délais résultant de l’application de l’ordonnance n’ont pas été mentionnés par la caisse dans son courrier d’information. Or, elle rappelle le caractère obligatoire de ladite ordonnance et des garanties attachées à la prorogation des délais qu’elle comporte, dont la violation est sanctionnée selon les règles applicables à l’inobservation par la caisse de son obligation d’information.
Elle déclare donc inopposable à l’employeur la décision de prise en charge, ce qui permet à l’employeur de pouvoir solliciter le retrait de son compte employeur de la maladie concernée et, le cas échéant, une réduction non-négligeable sur les cotisations sociales payées au titre du taux AT/MP.
Sur cette thématique, on notera que la Cour de cassation n’a encore jamais été amenée à se prononcer. Plusieurs autres Cours d’appel ont la même position que celle de RIOM (entre autres : CA AMIENS, 28 septembre 2023, RG n° 22/00187 ; CA POITIERS, 27 juillet 2023, RG n° 22/00977 ; CA PAU, 06 juillet 2023, RG n° 21/01593 ; CA BESANCON, 25 novembre 2022, RG n° 22/00245 ; CA PARIS, 18 novembre 2022, RG n° 21/05249).
Maître Florent LABRUGERE
Avocat au Barreau de LYON
Droit du travail – Droit de la sécurité sociale
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N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.