Un licenciement disciplinaire basé sur un fait personnel

CA AMIENS, 23 octobre 2024, RG n° 23/04663 *

Par cet arrêt, la Cour d’appel d’AMIENS est amenée à rappeler les règles en matière de licenciement disciplinaire basé sur des faits tirés de la vie personnelle du salarié.

Au dernier état du droit positif, la jurisprudence estime qu’un « un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail » (Cass. soc., 03 mai 2011, n° 09-67.464).

A titre d’illustration, des propos insultants tenus dans le cadre d’une conversation privée ne peuvent pas justifier un licenciement disciplinaire (Cass. ass. plén., 22 décembre 2023, n° 21-11.330).

Telle était la problématique qui était soulevée dans l’arrêt commenté.

Au cas d’espèce, il était question d’une salariée qui a été engagée en qualité d’équipière de commerce par une entreprise exploitant un supermarché. Le 11 décembre 2021, elle a été licenciée pour faute grave. La salariée a contesté ce licenciement devant les juridictions prud’homales.

Après avoir rappelé les règles précitées, la Cour d’appel d’AMIENS relève que l’employeur exploite un supermarché.

Or, le comportement reproché à la salariée dans la lettre de licenciement est survenu hors des lieu et temps de travail, soit pendant un temps consacré à sa vie personnelle.

En effet, il était reproché à la salariée d’avoir commis un vol dans une autre entreprise, appartenant au même groupe de son employeur, mais exploitant, cette fois-ci, un hypermarché.

Or, la Cour constate qu’il ressort des extraits Kbis produits que les deux entreprises, détentrice du magasin lieu des faits, sont deux personnes morales distinctes même si elles appartiennent au même groupe et à la même unité économique et sociale.

Ainsi, les manquements professionnels invoqués par l’employeur ne concernant que des faits qui auraient été commis à son propre préjudice alors qu’ils ont été commis au préjudice d’une autre personne juridique, ils ne peuvent être rattachés à une obligation découlant du contrat de travail signé entre les parties et donc justifier le licenciement disciplinaire de la salariée pour un fait tiré de sa vie personnelle.

La Cour d’appel juge alors le licenciement sans cause réelle et sérieuse et alloue, à ce titre, des dommages et intérêts à la salariée, outre les indemnités classiques de rupture.

Cet arrêt vient mettre en lumière la subtile distinction à faire lorsqu’il est reproché un fait non rattachable à la sphère professionnelle.

Une analyse précise des faits invoqués par l’employeur est nécessaire :

  • Soit il s’agit de faits relevant exclusivement de la vie privée du salarié, de sorte qu’un licenciement disciplinaire est exclu.

    Seul le cas où le comportement de celui-ci a créé un trouble caractérisé au sein de l’entreprise qu’un licenciement non disciplinaire peut justifier un licenciement non disciplinaire (Cass. soc., 13 avril 2023, n° 22-10.476).
  • Soit le fait tiré peut être rattaché, de manière indirecte, à la vie professionnelle, de telle sorte qu’un licenciement disciplinaire est envisageable.

Le Cabinet reste à disposition des entreprises et salariés en vue de traiter toute problématique en droit du travail.

Maître Florent LABRUGERE

Avocat au Barreau de LYON

Droit du travail – Droit de la sécurité sociale

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N.B : On ne sait pas, au jour de la rédaction de ce billet, si l’arrêt est définitif et n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.

florent labrugere avocat droit du travail lyon

Maître Florent Labrugère

Avocat en droit du Travail et de la Sécurité Sociale à Lyon. Anticipez le prochain mouvement !